Les violences basées sur le genre (VBG) sont une réalité alarmante contre laquelle de nombreuses luttes sont menées. Le chiffre fatidique de 10 415 cas a été atteint en 2024. Cependant, l’aspect psychologique de ces violences est souvent négligé alors qu’il représente une véritable bombe à retardement.
Au Mali, selon le rapport trimestriel du Système de gestion des informations sur les violences basées sur le genre rendu public par le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), 10 415 cas de VBG ont été enregistrés entre janvier et mai 2024.
Bien que des mesures aient été prises pour lutter contre ce fléau, la prise en charge psychologique des victimes reste insuffisante. Or, les conséquences psychologiques de ces violences sont profondes, comparables à un cancer qui ronge silencieusement les survivant (e)s.
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Pour mieux comprendre ce sujet, nous avons recueilli l’expertise de Daouda Guindo, psychologue, spécialiste en genre et développement, et accompagnateur psychosocial des personnes survivantes de VBG.
D’abord, il est essentiel de comprendre ce qu’est réellement la violence psychologique. M. Guindo la définit comme « toute action qui vise à détruire progressivement le mental d’une personne. Elle ne laisse pas forcément de traces visibles, mais elle fait énormément de mal. Cela peut inclure des insultes, des humiliations, des menaces, des contrôles excessifs ou encore le fait d’ignorer une personne pour la faire souffrir ».
Cette violence a des conséquences lourdes sur les victimes. Selon lui, ces agressions ont des répercussions graves : « Les personnes qui subissent ce type de violence perdent souvent confiance en elles. Elles peuvent se sentir inutiles, souffrir d’insomnies, être très anxieuses ou tristes. Certaines deviennent impulsives, d’autres se referment sur elles-mêmes et développent une peur des autres. Dans les cas les plus graves, cela peut mener à la dépression ou à des idées suicidaires. Ces effets peuvent durer longtemps, surtout si la victime ne reçoit pas d’aide ».
Face à ces impacts dévastateurs, un accompagnement adéquat est nécessaire pour aider les victimes à se reconstruire. M. Guindo souligne que cet accompagnement doit être pluridimensionnel. Il explique que « l’accompagnement psychologique est primordial pour aider la personne à se reconstruire mentalement ».
Il insiste également sur le soutien médical, qui est essentiel en cas de blessures ou de stress intense. Par ailleurs, l’accompagnement juridique joue un rôle clé pour protéger la victime et lui permettre de porter plainte. Enfin, un soutien social et économique est nécessaire pour garantir une stabilité à la victime et éviter qu’elle ne soit dépendante de son agresseur. « Toutes ces approches sont complémentaires et doivent être adaptées à chaque situation », ajoute-t-il.
Toutefois, la question se pose : existe-t-il suffisamment de structures d’aide pour répondre à ces besoins au Mali ? M. Guindo affirme que plusieurs structures apportent un soutien aux victimes, telles que des associations féminines, des ONG et des institutions publiques. Cependant, il précise que ces structures se limitent souvent à l’écoute et à l’orientation des victimes, faute de psychologues formés pour les accompagner durablement.
« Il y a très peu de psychologues formés pour réellement aider les victimes à surmonter leur traumatisme. C’est pourquoi il est crucial que l’Etat et les organisations recrutent davantage de professionnels spécialisés », insiste-t-il.
Au-delà des structures d’aide, la société elle-même a un rôle primordial à jouer. Dans un pays où la santé mentale est souvent minimisée et où les mentalités patriarcales renforcent la stigmatisation des victimes, il est essentiel de créer un environnement bienveillant.
M.Guindo insiste sur l’importance du soutien communautaire : « La société doit arrêter de blâmer les victimes. Si quelqu’un dénonce son agresseur, il faut l’encourager et l’aider à obtenir justice. Il ne faut pas laisser les victimes seules. Chacun, à son niveau, peut apporter du soutien : la famille, la communauté, les institutions ».
Enfin, M. Guindo adresse un message fort aux victimes qui hésitent encore à demander de l’aide. « Beaucoup de personnes n’osent pas parler par peur d’être jugées ou rejetées par leur famille ou leur communauté. Mais le silence ne règle rien, au contraire, il empire la situation. Il ne faut pas avoir honte de demander de l’aide. Il y a des gens prêts à vous écouter et à vous soutenir ».
Ce combat est collectif, et pour qu’il soit efficace, il est essentiel que toutes les parties prenantes s’impliquent : l’Etat, les organisations, la société et chaque individu. Les blessures psychologiques sont invisibles, mais leur impact est bien réel. Il est temps d’agir.
Nènè Mah Zasso Théra
(stagiaire)
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