A Koulouba, le vendredi 15 août 2025, on a applaudi les techniciens maliens, on a parlé d’économie budgétaire, on a promis des sanctions. Mais le message subliminal était que la Transition n’entend pas seulement gérer l’État, elle veut l’assainir. Dans un Mali fatigué des élites prédatrices, le général d’armée Assimi Goïta s’érige en croisé contre la corruption. Reste à savoir si les fantômes, vieux routiers de la combine, accepteront de disparaître pour de bon.

Qu’ils s’appellent « doublons », « agents fictifs » ou plus trivialement « fantômes », ils hantent depuis des décennies la fonction publique malienne. Vendredi 15 août, au palais de Koulouba, le Général Assimi Goïta a décidé de leur livrer bataille avec une arme inattendue : un logiciel biométrique conçu par des ingénieurs locaux. Plus qu’un outil, un signal politique.

En recevant le rapport d’exécution du Système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH), Assimi Goïta n’a pas seulement validé une réforme technique. Il a choisi son camp : celui de la lutte contre la corruption.

Le rapport n’a pas besoin de rhétorique. 158 317 agents recensés, 36 151 manquants au contrôle biométrique. Traduction : des dizaines de milliers de salaires versés à des absents. Facture annuelle : 48 milliards de francs CFA. Dans un pays en guerre contre le terrorisme et engagé sur la voie de la souveraineté, le chiffre donne le vertige.

Un logiciel comme glaive

On les appelle pudiquement « agents non identifiés ». Dans la rue, on les surnomme « fonctionnaires fantômes ». Ils sont le symbole d’un système où la connivence a longtemps servi de règle et où les fichiers de paie étaient aussi opaques que la boue du fleuve Niger.

La nouveauté, c’est que la riposte n’est pas confiée à un cabinet étranger hors de prix, mais à des informaticiens maliens. Le SIGRH, développé localement et financé exclusivement par le budget national, centralise les données biométriques, connecte les ministères, sécurise les salaires. À terme, même les concours d’entrée dans la fonction publique pourraient y passer.

Un outil souverain, que le président de la Transition présente comme le cœur de sa stratégie de refondation. « Nous disposons désormais d’un instrument capable d’instaurer une gouvernance saine et rigoureuse », a martelé Goïta, en général qui ne croit qu’aux chiffres alignés comme des bataillons.

Trois mois pour réapparaître

Les absents ont encore un sursis : trois mois pour régulariser leur situation. Après quoi, suspension de solde, radiation, voire poursuites judiciaires. Une mise en garde qui, dans un Mali habitué à voir la loi s’appliquer à la carte, sonne comme une rupture. Les fantômes ont désormais un compte à rendre.

En vérité, l’essentiel est ailleurs. Derrière les colonnes du rapport, il y a un fait marquant qui mérite toute notre attention. Depuis des décennies, ces fantômes hantent les administrations publiques sans que des solutions soient trouvées. Mais c’est aujourd’hui un président en uniforme qui se présente en justicier de l’argent public. Là où d’autres se contentaient de dénoncer, lui exhibe un fichier biométrique. Là où ses prédécesseurs fermaient les yeux, il brandit un logiciel.

Et dans une région où les fantômes de l’administration résistent parfois mieux que les jihadistes, le pari est risqué, mais assumé. Assimi Goïta sait qu’il s’agit d’un combat noble, parce qu’il participe à la consolidation des bases de la souveraineté nationale. Au-delà du Mali, où certains détracteurs pensent que les militaires ne sont pas aptes à mieux gouverner un pays, la victoire contre les fantômes de l’administration permettra aux opposants à la Transition de se convaincre que ces militaires valent mieux que les hommes politiques qui ont dirigé le pays durant des décennies et qui ont encouragé ces pratiques au lieu de les condamner.

Le Mali n’est pas seul dans ce combat. Au Nigeria, en 2014, des campagnes similaires ont permis d’effacer plus de 60 000 « ghost workers » en cinq ans ; au Cameroun, en 2019, l’opération Épervier avait révélé des milliers de faux fonctionnaires. Mais rarement, sur le continent, un chef d’État aura mis autant en avant un logiciel national comme symbole de souveraineté et de probité.

Correspondance particulière

Source : Le PAYS



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