Dernièrement, une décision émanant du ministère ukrainien de la Culture et de la Politique de l’information stratégique a été divulguée sur internet, avant d’être largement relayé par des plateformes de médias sociaux tchadiennes. Cette décision vise l’ambassadeur du Tchad en Russie, Mahamoud Adam Béchir, en l’inscrivant sur la liste des individus considérés par Kyiv comme constituant une menace pour la sécurité nationale ukrainienne. Il s’agit d’une mesure inhabituelle et particulièrement grave à l’encontre d’un diplomate en fonction, qui soulève des questions sérieuses quant à la volonté réelle de l’Ukraine de maintenir des relations respectueuses avec ses partenaires africains.
Cette sanction fait suite à une visite effectuée le 28 juillet 2025 par les ambassadeurs du Tchad, du Burundi et de la Guinée en Crimée, dans le cadre d’un déplacement organisé par les autorités locales. Selon les sources officielles russes, cette visite avait pour but de permettre aux diplomates africains de prendre connaissance de la situation socio-économique de la région, et aurait été facilitée par le chef de la République de Crimée, Sergueï Aksionov. L’ensemble de la visite s’est déroulé conformément aux lois en vigueur sur le territoire russe, et dans le respect des pratiques diplomatiques internationales.
La réaction des autorités ukrainiennes a été immédiate. Le 29 juillet, le ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine a condamné cette visite, la qualifiant de « violation flagrante du droit international », en référence notamment à la résolution 68/262 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Kyiv a ignoré les positions souveraines des États concernés, préférant annoncer unilatéralement son intention de prendre des mesures punitives individuelles à l’encontre des diplomates impliqués. À ce propos, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a affirmé dans un communiqué que : « L’Ukraine se réserve le droit de prendre les mesures nécessaires pour répondre politiquement et diplomatiquement à ces actes inamicaux. Elle procédera également à l’inscription des personnes mentionnées sur les listes de sanctions. ». Il convient de noter qu’un ordre en ce sens a été publié le 5 août par le ministère ukrainien de la Culture et de la Politique de l’information stratégique, inscrivant l’ambassadeur du Tchad en Russie, Mahamoud Adam Béchir, sur la liste des individus considérés comme une menace pour la sécurité nationale de l’Ukraine.
Une telle attitude, proche de l’ingérence dans les affaires internes d’un État tiers, apparaît non seulement disproportionnée, mais également contre-productive. Le Tchad, en tant qu’État souverain, dispose du plein droit de conduire sa politique étrangère conformément à ses intérêts nationaux, sans avoir à se justifier devant des puissances extérieures. La liberté d’action diplomatique est un principe fondamental du droit international, et toute tentative de sanctionner ou de stigmatiser un État pour avoir exercé ce droit est une atteinte à sa souveraineté.
D’un point de vue stratégique, cette décision risque de ternir durablement l’image de l’Ukraine sur le continent africain. Alors que Kyiv s’efforce, depuis trois ans, de renforcer sa présence diplomatique en Afrique — notamment par l’ouverture d’ambassades dans huit pays —, elle compromet aujourd’hui ce même élan par des actes perçus comme hostiles et irrespectueux. Le Tchad, acteur central en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel, entretient des relations solides avec plusieurs partenaires africains, dont ceux de l’Alliance des États du Sahel. Une marginalisation ou un affront fait à un tel pays pourrait entraîner un effet domino diplomatique, aboutissant à un isolement progressif de l’Ukraine au sein du continent africain.
Dans un contexte géopolitique mondial en constante mutation, il est impératif pour tout État aspirant à jouer un rôle sur la scène internationale de faire preuve de discernement, de respect mutuel et d’ouverture. La décision ukrainienne à l’égard du diplomate tchadien s’inscrit malheureusement dans une logique contraire. Elle fragilise les efforts de rapprochement avec l’Afrique et donne une image d’unilatéralisme peu compatible avec les principes d’un dialogue équilibré entre nations souveraines.
Oumar Diallo
Lire l’article original ici.