Depuis ce lundi, les intentions réelles du gouvernement de transition à l’égard de la reconfiguration du paysage politique commencent à se préciser. La phase nationale des concertations des forces vives, ouverte au Centre international de conférences de Bamako (CICB) sous la présidence du ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des réformes politiques et du soutien au processus électoral, Mamani NASSIRE, charge la classe politique de n’avoir pas formulé de propositions précises.
Le ministre délégué, accompagné du ministre en charge des réformes institutionnelles, Mamani NASSIRE, a profité de l’ouverture officielle pour exposer sa vision de la relecture de la charte des partis politiques.
S’adressant aux délégués venus de toutes les régions du pays appelés à examiner les propositions issues des phases régionales tenues du 16 au 17 avril 2025, il a rappelé que l’enjeu principal était «de procéder à un examen minutieux des résultats issus de la large consultation des forces vives de la nation».
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Profitant de cette cérémonie, le ministre délégué auprès du Premier ministre a levé un coin de ses intentions sur la relecture de la charte des partis en accusant les formations politiques.
A peine qualifiant les propositions des partis politiques de farfelues puisque n’apportant « aucun élément nouveau dans la formulation des recommandations elles-mêmes, ni n’offrent aucune solution juridique de mise en œuvre des recommandations des ANR », le ministre délégué a alors pensé à l’alternative des concertations.
Déçu par la qualité des propositions des partis, qui ne lui donnent pas la possibilité de procéder au réajustement conformément aux conclusions des Assises nationales de la refondation, il entend désormais s’appuyer sur la société civile pour faire aboutir son projet, invoquant à cet effet l’article 40 de la Constitution de juillet 2023, qui confère aux organisations de la société civile une mission de veille citoyenne dans les conditions définies par la loi.
Pourtant, cette même Constitution, dans son article 185, interdit explicitement toute révision du multipartisme, affirmant que « la forme républicaine de l’État, la laïcité, le nombre de mandats du Président de la République et le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision », et que « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».
Ainsi, ce que le gouvernement n’a pu obtenir directement des partis sous une forme de «hara-kiri» politique, il cherche à l’arracher par le biais de ces concertations.
En effet, sans langue de bois, il voulait que les partis s’auto-fusionnent ou s’auto-dissolvent pour satisfaire à ses objectifs en évoquant ainsi la possibilité pour les partis de procéder à la diminution de leur nombre en faisant usage de leurs propres prérogatives sur la base du chapitre XII de la charte des partis politiques intitulé : « DE LA FUSION, DE LA DISSOLUTION ET DE LA DÉVOLUTION ».
Il évoque cette possibilité en se fondant les articles 53, 54, 55, 56 et 57.
Ainsi, l’article 53 de ce chapitre souligne : « Les partis politiques peuvent fusionner dans les conditions définies ci-après : la décision de fusion entre deux ou plusieurs partis fait l’objet d’une déclaration adressée au Ministre chargé de l’Administration Territoriale ; la déclaration comportant une signature des chefs des partis, doit être accompagnée du procès-verbal de l’instance qui pour chaque parti a adopté cette décision, ainsi que les statuts et règlement intérieur de la nouvelle organisation. Les pièces à fournir doivent être conformes aux dispositions de l’article 5 de la présente loi ».
Et l’article 54 de préciser que les partis ne peuvent fusionner pendant la campagne électorale. Toute fusion de partis doit être effective 90 jours francs avant le début de toute campagne électorale.
Au regard de ce qui précède, l’on est fondé à croire que ces dispositions contenues dans la charte des partis, l’architecture constitutionnelle n’autorise en aucune manière le forcing en cours à travers ces consultations
Au-delà de ces dispositions, l’architecture constitutionnelle actuelle demeure un obstacle majeur. Si les autorités entendent respecter la volonté exprimée par les citoyens lors du référendum de 2023, elles devront nécessairement passer par une révision de la Constitution, au risque de voir leur démarche entachée d’illégalité.
Loin d’être un simple exercice de relecture technique, cette initiative s’apparente de plus en plus à une manœuvre de reconfiguration politique destinée, suspecte-t-on, à limiter toute concurrence lors des prochaines élections, dont les dates restent à fixer.
PAR SIKOU BAH
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