Le Bureau du Vérificateur général (BVG) a publié en août 2025 son rapport sur la gestion du Fonds d’Appui à l’Autonomisation de la Femme et à l’Épanouissement de l’Enfant (FAFE), couvrant les exercices 2022, 2023, 2024 et le mois de janvier 2025. Cette mission de vérification, menée en vertu des pouvoirs conférés par la Loi n°2021-069 du 23 décembre 2021, met en lumière plusieurs irrégularités administratives et financières qui interrogent sur la gouvernance et l’efficacité de ce mécanisme censé soutenir les femmes et les enfants maliens.
Un fonds stratégique pour le développement social
Bamada.net-Créé en 2012, le FAFE est un Compte d’Affectation Spéciale placé sous la tutelle du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille (MPFEF). Il a pour mission d’accroître le potentiel économique des femmes, de promouvoir le leadership féminin, d’appuyer la réinsertion socio-économique des enfants vulnérables et de renforcer la participation des femmes à la gouvernance.
Pendant la période examinée, le fonds a reçu plus d’un milliard de francs CFA (1 022 517 353 FCFA), dont 888,2 millions FCFA provenant du budget national et 134,2 millions FCFA apportés par les Partenaires techniques et financiers (PTF). Ces ressources ont été déployées à travers 19 ONG partenaires dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka, Taoudéni ainsi que dans le district de Bamako.
Des dysfonctionnements administratifs préoccupants
La vérification a mis en évidence plusieurs faiblesses au niveau de la gouvernance interne :
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Le Comité de pilotage du FAFE ne s’est réuni qu’à deux reprises, au lieu des six sessions ordinaires prévues sur la période, limitant ainsi sa capacité d’orientation stratégique.
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La Cellule technique (CT) du FAFE a outrepassé ses attributions en conduisant elle-même les procédures de sélection des fournisseurs à la place des ONG partenaires, en violation des conventions signées.
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Enfin, aucune évaluation à mi-parcours des conventions avec les ONG n’a été réalisée, privant le fonds d’un outil essentiel pour identifier et corriger les difficultés d’exécution à temps.
Des irrégularités financières de plus de 50 millions de FCFA
Le rapport du BVG chiffre les irrégularités financières à 59,9 millions de FCFA, dont 50,6 millions demeurent non régularisés. Parmi elles, deux cas majeurs retiennent l’attention :
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Non-remboursement d’un dépôt à terme (DAT) de 50 millions de FCFA : le Système Financier Décentralisé (SFD) Nyogondeme Soba, bénéficiaire d’un DAT mis en place par la CT du FAFE, n’a pas restitué les fonds à la date d’échéance (21 septembre 2024). Huit mois plus tard, soit en mai 2025, aucun remboursement n’avait encore été effectué.
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Non-paiement des pénalités de retard, estimées à 600 000 FCFA, liées au défaut de remboursement du DAT. Malgré les rappels, ces montants n’ont pas été réglés.
Le Vérificateur général a d’ailleurs dénoncé ces faits au Procureur du Pôle national économique et financier, ouvrant la voie à d’éventuelles poursuites judiciaires.
Des régularisations partielles
Suite aux observations du rapport provisoire, certaines irrégularités ont été corrigées. Les ONG partenaires ont par exemple régularisé le paiement des droits d’enregistrement de marchés publics pour un montant de 5,7 millions de FCFA. Le SFD Nyogondeme Soba a également réglé les intérêts annuels dus (3,5 millions de FCFA) et une partie des pénalités (42 000 FCFA), mais le principal du DAT reste impayé.
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Recommandations fortes du BVG
Pour améliorer la transparence et l’efficacité du FAFE, le BVG recommande notamment :
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au Président du Comité de pilotage, d’assurer la régularité des sessions prévues par les textes ;
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à la Directrice de la Cellule technique, de respecter les procédures de sélection des fournisseurs et de réaliser systématiquement les évaluations à mi-parcours des projets menés par les ONG partenaires.
Une question de confiance et de redevabilité
La conclusion du Vérificateur général est sans équivoque : la gestion du FAFE souffre de failles structurelles et financières qui compromettent la bonne utilisation des ressources publiques. Ces manquements risquent d’entamer la confiance des bailleurs de fonds, alors même que ce mécanisme est crucial pour l’autonomisation économique des femmes et la protection des enfants vulnérables au Mali.
La mise en œuvre effective des recommandations, combinée à une volonté politique forte, sera déterminante pour redresser la gouvernance de ce fonds et éviter que les populations bénéficiaires ne soient les grandes perdantes de ces irrégularités.
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Ladji Djika Sidibé
Source: Bamada.net
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