Il y a des avions qui volent… mais dont les contrats ne tiennent pas la route. Celui que l’on appelait autrefois le « Boeing présidentiel », acquis à prix d’or en 2014, a bel et bien transporté le chef de l’État lors de missions officielles. Mais aujourd’hui, c’est dans les archives judiciaires qu’il pèse le plus lourd. Ce n’est pas tant l’avion qui choque, que les conditions de son achat, les zones d’ombre qui l’entourent et les milliards qu’il a engloutis.

Mardi 8 juillet, la justice malienne a tranché : dix ans ferme pour Bouaré Fily Sissoko, perpétuité par contumace pour Moustapha Ben Barka, des milliards à rembourser et quelques acquittements pour mémoire. Ainsi donc s’achève ou plutôt commence la chronique judiciaire d’un scandale de la République à l’ancienne. Celle des contrats sans appels d’offres, des prestataires sans adresse fixe, et des milliards qui disparaissent aussi vite que les signatures apparaissent. Mais ne nous trompons pas d’atterrissage. Ce procès n’est pas celui d’un avion. C’est celui d’un système. Celui de l’argent qui parle plus fort que les lois. Celui des cercles fermés où l’intérêt général est un invité gênant. Celui d’un État souvent confisqué, parfois trahi, toujours appauvri. Les faits sont connus. Un avion à plus de 20 milliards de FCFA, des équipements militaires surfacturés, des signatures ministérielles pressées et un FMI qui claque la porte. Puis, des années d’atermoiements, un ancien Premier ministre mort en prison, et un verdict enfin. Trop tard ? Peut-être. Mais mieux vaut une justice qui arrive essoufflée que pas de justice du tout. Pour autant, cette sentence ne doit pas faire illusion.

La corruption n’a pas dit son dernier mot. Elle a juste changé de costume, de rhétorique, parfois même de logiciel. Elle sait aujourd’hui se vêtir du patriotisme et se cacher derrière la Transition. Elle a compris que dans un pays où la sécurité est une urgence, l’éthique est souvent reléguée au second plan. C’est ici que le citoyen doit rester éveillé. Parce que le Boeing d’hier pourrait devenir l’avion de chasse de demain. Parce que ceux qui dénoncent aujourd’hui étaient parfois les témoins muets d’hier. Parce que l’impunité n’est pas morte, elle a juste appris à se faire discrète. La justice a parlé. Il faudra qu’elle parle encore. Pas seulement pour juger les fautes du passé, mais pour prévenir celles qui couvent sous nos yeux. Car dans un pays qui cherche à se refonder, la mémoire est une obligation, et la vigilance un devoir.

Madiassa Kaba Diakité

 



Lire l’article original ici.

Partager.

bamada.net : Site d'actualités maliennes.

© 2025 Le Republique. Tous droits réservés. Réalisé par NewsBlock.
Exit mobile version