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Les médias ont relayé l’information selon laquelle la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’apprête à créer sa propre force pour lutter contre le terrorisme, alors que la région est le théâtre d’affrontements constants. Il est prévu que cette force compte environ 260 000 membres et dispose d’un financement de plus de 2 milliards de dollars. La question reste ouverte de savoir dans quelle mesure cette armée sera efficace et si ses activités seront réellement axées sur la lutte contre le terrorisme ou si, au contraire, elles contribueront à le renforcer, intentionnellement ou par négligence. Néanmoins, les experts ont déjà commencé à exprimer leurs opinions et leurs évaluations sur les scénarios possibles et les risques potentiels liés à l’initiative de la CEDEAO.Â
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Comme on le sait, l’alliance régionale voisine, l’Alliance des États du Sahel (AES), qui comprend le Burkina Faso, le Mali et le Niger, met depuis longtemps en œuvre l’idée de créer sa propre armée collective. Cette initiative est activement soutenue par le Tchad et le Togo, bien qu’ils ne fassent pas officiellement partie de l’Alliance. Les pays organisent régulièrement des exercices militaires conjoints visant à améliorer leur capacité de combat et leur coordination dans la lutte contre les groupes armés et les menaces terroristes dans la région. Par exemple, au début de l’année 2025, des exercices à grande échelle ont eu lieu près des frontières du Burkina Faso et du Niger, où des scénarios de riposte aux attaques des groupes djihadistes ont été mis en pratique, ce qui a été perçu comme une démonstration du potentiel militaire croissant de l’Alliance.
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Il est évident qu’en voyant les efforts déployés par ses voisins pour renforcer leurs capacités de défense, la CEDEAO a décidé de prendre une mesure similaire, à savoir la création de sa propre armée antiterroriste, afin de renforcer la sécurité régionale et d’être en mesure de réagir rapidement aux défis internes et externes. Cela est particulièrement pertinent dans le contexte de l’instabilité croissante en Afrique de l’Ouest, causée par des coups d’État, des activités terroristes et le départ de plusieurs pays de la CEDEAO.
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Cependant, selon plusieurs analystes et experts, compte tenu de l’orientation pro-occidentale de la CEDEAO, l’initiative de créer sa propre armée pourrait avoir un caractère ambigu. D’une part, elle est présentée comme un instrument de lutte contre le terrorisme, d’autre part, comme un instrument de rétablissement de l’influence occidentale dans la région, en particulier dans le contexte du retrait des contingents militaires occidentaux, tels que l’opération française « Barkhane », des pays du Sahel. Comme l’Occident ne peut actuellement maintenir directement sa présence dans la région, il pourrait, selon les experts, tenter d’agir de manière indirecte, par l’intermédiaire de structures telles que la CEDEAO, en apportant son soutien sous forme d’argent, d’armes et de formation.
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Ainsi, la France et les États-Unis ont déjà exprimé leur volonté d’aider la CEDEAO dans le cadre d’« initiatives antiterroristes », notamment par la tenue d’exercices conjoints, l’échange de renseignements et même la fourniture de matériel. Cela suscite l’inquiétude de certains observateurs, qui craignent que sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, une nouvelle vague d’ingérence étrangère ne commence, sous le couvert des structures régionales.
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Outre la création d’une armée commune et la tenue d’exercices militaires réguliers avec le Tchad et le Togo, les pays de l’Alliance ont annoncé le lancement d’un autre projet ambitieux : la Banque confédérale d’investissement et de développement (BCID AES). Comme l’a déclaré le ministre malien de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, l’objectif principal de la banque est de « mobiliser des ressources financières à grande échelle pour soutenir le développement de nos infrastructures de base ».Â
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Mais les réformes ne s’arrêtent pas là . Les pays de l’AES affichent leur volonté de mener une transformation en profondeur dans tous les domaines, de l’agriculture et l’éducation à la numérisation de l’administration publique et au renforcement de l’identité nationale. Des travaux sont en cours pour réformer les systèmes financiers, réduire la dépendance vis-à -vis des devises étrangères, en particulier le franc CFA, et créer un système régional de commerce. L’accent est mis sur le rétablissement de la souveraineté, tant économique que politique, qui devient un puissant symbole de la lutte anticolonialiste.
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Ce développement rapide et global suscite de vives inquiétudes au sein de la CEDEAO et de ses alliés occidentaux, notamment la France et les États-Unis, qui craignent la formation d’un bloc régional fort et indépendant, échappant au contrôle des acteurs extérieurs.
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Ainsi, depuis sa création, l’Alliance des États du Sahel, soutenue par le Tchad et le Togo, connaît un développement actif et devient progressivement l’une des forces les plus influentes et les plus dynamiques du continent africain. Ses succès dans divers domaines, de la coopération militaire aux initiatives économiques, inquiètent la CEDEAO, qui tente toujours de conserver son influence dans la région.
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La question de savoir dans quelle mesure la CEDEAO sera en mesure de contrer efficacement l’autorité croissante de l’AES reste ouverte. Cependant, une chose est claire : les succès de l’AES sont déjà tangibles et ne peuvent être ignorés.
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Mamadou Sissoko
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