L’ancien candidat à la présidentielle de 2018 Aliou Boubacar Diallo a annoncé le 7 juin dernier la création du Front patriotique de résistance (FPR). Dans un contexte verrouillé, entre faible marge de manœuvre et scepticisme populaire, l’avenir de cette initiative soulève des interrogations.

« La Transition doit maintenant prendre fin. Résistons ensemble à la prise du pouvoir par des voies anticonstitutionnelles. Résistons à l’instauration de toute dictature militaire ou civile dans notre pays », appelle Aliou Boubacar Diallo, qui vit à l’extérieur du Mali depuis plusieurs mois.

En annonçant la création du FPR, le fondateur de l’ADP-Maliba entend s’opposer frontalement au régime de transition en place, dirigé depuis 2021 par le Général Assimi Goïta.

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Dans un climat politique marqué par la centralisation du pouvoir aux mains des militaires et la dissolution de tous les partis, Aliou Boubacar Diallo tente de faire entendre une voix alternative.

Il lance un appel aux Maliens de l’intérieur et de la diaspora soucieux d’un retour à l’ordre constitutionnel et de la fin de la « dégradation continue de la situation économique et sociale sans perspective d’amélioration », à rejoindre ce nouveau front pour s’opposer à toutes les violations de la Constitution et à la « prolongation perpétuelle » de la Transition.

Marge de manœuvre réduite

Si le Front patriotique de résistance est la première véritable initiative à se mettre en place, au-delà des condamnations tous azimuts depuis la dissolution des partis politiques et plus récemment la décision du Conseil des ministres d’accorder cinq ans supplémentaires à la Transition, il naît dans un contexte difficile qui, selon certains analystes, réduit considérablement l’organisation et la portée même de la résistance annoncée.

« Jusque-là, le FPR est une plateforme surtout numérique. Au-delà de la mobilisation en ligne, ce front aura du mal à mener des actions sur le terrain, d’autant plus que cela violerait l’interdiction des activités à caractère politique », souligne un observateur politique qui a requis l’anonymat.

Par ailleurs, malgré son positionnement en rupture avec l’ancienne classe politique traditionnelle, Aliou Boubacar Diallo traîne encore une image d’homme d’affaires plus qu’un profil mobilisateur enraciné dans les masses.

Son ascension sur la scène politique pendant les années qui ont précédé la chute du régime IBK n’a pas suffi à l’imposer comme figure centrale de l’opposition populaire. En outre, dans un contexte où les leaders politiques ont globalement perdu du terrain dans l’opinion nationale au profit d’une popularité accrue des militaires depuis l’avènement de la Transition, Aliou Boubacar Diallo n’échappe pas à la donne.

Quels leviers d’action ?

Le FPR n’a pas encore clarifié ses méthodes de lutte. Descente dans la rue ? Appel à la désobéissance civile ? Court-circuit du régime de transition par la pression populaire ou la mobilisation numérique ? À ce jour, aucune stratégie concrète n’a été dévoilée.

Dans un espace civique verrouillé, cette imprécision et l’absence de stratégies claires pourrait rapidement reléguer le front au rang des déclarations sans suite. « Sans capacité de mobilisation réelle, un front politique ne reste qu’un effet d’annonce. Or, dans les conditions actuelles, chaque action contestataire expose ses auteurs à des représailles administratives, judiciaires, voire sécuritaires », glisse notre interlocuteur.

Aliou Boubacar Diallo, connu pour ses liens avec certains milieux diplomatiques et économiques étrangers, pourrait conduire le FPR à chercher un écho hors des frontières pour soutenir sa légitimité.

Cependant, dans un Mali souverainiste devenu hypersensible à toute ingérence extérieure, cela pourrait être contre-productif. Toute tentative du FPR de trouver un soutien extérieur risque d’être immédiatement interprétée comme une posture de collusion avec des ennemis de la souveraineté nationale. Cela limite donc d’emblée les marges diplomatiques du nouveau front.

La création du FPR marque une tentative de structuration des voix critiques de la Transition dans un contexte d’asphyxie politique. Elle remet sur la table la question du retour à l’ordre constitutionnel à un moment où tous les signaux semblent au vert pour une prolongation indéfinie de la Transition. Mais, pour espérer influer sur le cours des événements, le FPR devra sortir du registre symbolique pour construire un réel rapport de forces.

Mohamed Kenouvi



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