Il y a 5 ans, les 10, 11 et 12 juillet 2020, une dizaine de vies étaient fauchées lors de manifestations qui ont précipité la chute du régime de feu Ibrahim Boubacar KEITA à l’appel du Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Ces protestations résonnaient des cris d’une nation exaspérée par la mauvaise gestion, le favoritisme et la corruption gangrenant le pays et portaient l’espoir des milliers de Maliens d’en finir définitivement avec ces pratiques.
Plus de 5 ans plus tard, on est loin du compte. Les causes pour lesquelles, ces individus ont donné le sacrifice ultime, sont toujours enfouies dans les promesses.
Contre la mauvaise gestion des contentieux électoraux (législatives du 29 mars et 19 avril 2020), le M5-RFP qui a réuni une grande partie de la classe politique, de la société civile, des activistes, des leaders religieux… avait appelé à la désobéissance civile le 10 juillet 2020 pour exiger sa démission.
Ainsi, entre le 10 et le 13 juillet, des manifestants ont vandalisé, pillé et incendié différents sites (Assemblée nationale) ainsi que des biens publics et privés (la maison de Karim KEITA) tout en érigeant des barricades sur certains axes routiers de la ville.
Ces manifestations ont dégénéré et ont fait, selon un rapport de la MINUSMA, 14 morts et au moins 40 manifestants ont été blessés lors de l’intervention des forces de l’ordre et 118 agents des forces de défense et de sécurité, dont 81 fonctionnaires de police, ont été blessés du fait d’actes de violence imputables aux manifestants.
Au boulevard de l’indépendance où se tenaient les mobilisations, de nombreux engagements ont été tenus en termes de changement de gouvernance, du bien-être des Maliens.
Lorsque les militaires ont parachevé la lutte en renversant le gouvernement, ils ont également promis non seulement une rupture avec les anciennes pratiques, sans compter la promesse des responsables du M5-RFP d’une réparation aux victimes de ces journées tragiques.
Ceux que l’on appelait alors des «martyrs» et leurs ayants droit attendaient ce geste symbolique et nécessaire, sans doute, sans espoir.
Parce que, pendant ces années, ces déclarations n’ont pas dépassé le stade de simples promesses. Les familles des disparus voient avec une mort dans l’âme l’absence de reconnaissance concrète de leur sacrifice et de celui de leurs proches.
Quant aux blessés, ils sont abandonnés à leur triste sort. Le seul soutien, dont ils bénéficiaient, était l’argent que l’ancien membre du CNT, Adama DIARRA dit Ben le Cerveau, leur versait. Cet appui est ‘’gelé’’ avec l’arrestation de ce dernier qui n’en a plus droit.
Par ailleurs, la justice, tant espérée, reste le dernier souci des autorités de la transition en vue de situer la responsabilité de qui a donné l’ordre de tirer ?
Si l’ancien Premier ministre, Boubou CISSÉ, a jeté la responsabilité sur la FORSAT, à ce jour aucune enquête officielle ne permet de situer le donneur d’ordre à cette force spéciale de déployer contre des manifestants.
Au-delà de la question des réparations, la promesse d’instaurer une gestion vertueuse et de rompre avec la corruption endémique s’est avérée être un vœu pieux.
Les rapports récents de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI) et du Bureau du Vérificateur Général sont accablants.
Ils attestent de l’ampleur de la corruption, qui semble s’être érigée en véritable mode de gouvernance.
Pire encore, les responsables censés montrer l’exemple piétinent les textes en refusant, notamment, de déclarer leurs biens auprès de la Cour suprême, un acte de transparence et de prévention contre la corruption.
Des Maliens qui s’étaient mobilisés avec tant d’espoir d’un nouveau départ, assistent impuissants à des maux qu’ils dénoncent.
Plus de 5 ans après ces événements douloureux marqués par des vies arrachées, le rêve d’un Mali Kura, fondé sur la bonne gouvernance, l’intégrité et la justice, semble s’être galvaudé sur l’autel des vieilles habitudes et des promesses non tenues.
PAR SIKOU BAH
Source : Info Matin
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