Le lundi 18 août 2025 restera une date marquante dans l’agenda diplomatique et stratégique du Mali. À Abu Dhabi, la deuxième Grande Commission mixte de coopération entre le Mali et les Émirats Arabes Unis a tenu toutes ses promesses. Plusieurs accords et mémorandums d’entente ont été paraphés dans les secteurs névralgiques de la sécurité, de l’agriculture et de l’énergie. Au même moment, dans le domaine militaire, le Mali poursuit une dynamique sans précédent : le recrutement massif de jeunes soldats, symbolisé par la prestation de serment de 1 404 nouvelles recrues le 11 août dernier à Soufroulaye. Deux événements apparemment distincts, mais qui s’inscrivent dans une logique commune : celle de la refondation d’un État résilient, souverain et tourné vers l’avenir.
Diplomatie et développement : la consolidation des relations Mali–Émirats
Bamada.net-Depuis plusieurs années, les relations entre Bamako et Abu Dhabi connaissent une montée en puissance. La délégation malienne, conduite par le Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, était composée de figures clés du gouvernement, notamment Moussa Alassane Diallo (Industrie et Commerce) et Boubacar Diane (Énergie et Eau). L’objectif affiché : élargir et approfondir un partenariat déjà solide.
Les discussions ont porté sur des axes stratégiques : mines, énergies renouvelables, agro-industrie, commerce, transport et culture. L’un des temps forts fut la signature d’un mémorandum entre le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM), Mandjou Simpara, et son homologue émirati. Ce document ouvre de nouvelles perspectives pour les opérateurs économiques maliens qui aspirent à élargir leurs horizons au-delà des frontières nationales.
En marge de cette rencontre, de nombreux investisseurs privés maliens ont échangé avec des hommes d’affaires émiratis lors d’un forum spécialement organisé. Objectif : transformer les intentions diplomatiques en partenariats concrets.
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L’eau et l’énergie, secteurs vitaux pour l’avenir du Mali, ont occupé une place de choix dans les discussions. Le ministre Boubacar Diane a insisté sur la nécessité d’investissements massifs dans les énergies renouvelables. Les Émirats, déjà engagés dans la réalisation d’une centrale solaire de 100 MWc à Tiakadougou-Dialakoro (Bougouni), ont réitéré leur volonté d’accompagner le Mali dans sa quête d’autonomie énergétique. Cette coopération s’étend même au plan continental, avec la préparation de la Conférence internationale sur l’eau prévue en 2026 à Dakar, où le Mali jouera un rôle de soutien aux Émirats.
Une armée en pleine mutation : 38 000 recrues en cinq ans
Alors que la diplomatie œuvre à diversifier les partenariats, la réalité intérieure du Mali impose un autre défi : la sécurité. Depuis le coup d’État d’août 2020, les autorités de transition ont misé sur un recrutement massif de militaires. Entre 2020 et 2025, près de 38 000 nouvelles recrues ont rejoint les Forces armées maliennes (FAMa).
Le 11 août 2025, au Centre d’instruction de Soufroulaye, 1 404 nouvelles recrues ont prêté serment. Cet événement illustre une politique constante : compenser les pertes humaines, restaurer l’autorité de l’État dans les zones sous menace et redonner confiance aux populations.
Chronologie des recrutements
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2020-2021 : environ 5 000 recrues, essentiellement pour combler les vides laissés par les désertions et les attaques.
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2022 : 8 000 nouvelles recrues, avec une spécialisation croissante (renseignement, génie militaire, logistique).
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2023 : près de 10 000 jeunes, formant l’une des plus importantes vagues d’incorporation.
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2024-2025 : le rythme s’accélère encore, avec des recrutements orientés vers l’armée de l’air et les unités spécialisées.
L’inclusion des femmes
Historiquement marginalisées, les femmes représentent désormais 10 à 15 % des nouvelles recrues. Un symbole fort : en juin 2025, sur 469 recrues de l’Armée de l’air, 250 étaient des femmes, soit plus de la moitié. Elles s’illustrent dans la santé, la logistique et même les unités de combat, bien que les postes de commandement restent largement dominés par les hommes.
Les acquis : une armée plus présente et mieux équipée
Ces recrutements ont renforcé la présence militaire dans des zones longtemps abandonnées. Des patrouilles plus régulières, des bases réouvertes, et une dissuasion accrue contre les attaques terroristes. L’équipement a suivi : drones turcs, véhicules blindés russes, systèmes de surveillance modernes.
Les succès tactiques sont notables :
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Reprise de Kidal en novembre 2023.
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Offensives victorieuses à Tinzawatène entre 2024 et 2025.
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Neutralisation de chefs jihadistes en juin 2025, réduisant les incursions transfrontalières.
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Protection de convois civils et évacuations médicales dans le centre et le nord.
Le recrutement massif a aussi permis de maintenir le moral et d’éviter la démobilisation face aux lourdes pertes enregistrées au front. Pour une jeunesse souvent sans emploi, l’armée est devenue un espace d’intégration sociale et de promotion patriotique.
Les limites : formation accélérée et vulnérabilités persistantes
Toutefois, le revers de la médaille demeure. Beaucoup de recrues n’ont bénéficié que de six mois de formation avant leur déploiement. Face à des groupes armés expérimentés, cela limite leur efficacité.
D’autres limites sont criantes :
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Poids budgétaire : les dépenses militaires grèvent les ressources nationales, au détriment de la santé, de l’éducation et du développement.
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Impact mitigé sur la protection des civils : malgré les progrès, des massacres et attaques persistent dans le centre et le nord.
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Controverses : des abus signalés, des arrestations d’officiers et la dépendance vis-à -vis des partenaires étrangers révèlent des fractures internes.
Vers une approche globale : diplomatie, développement et défense
La juxtaposition des deux événements d’août 2025 – coopération renforcée avec les Émirats et prestation de serment des nouvelles recrues – illustre le pari stratégique du Mali : allier diplomatie économique et montée en puissance militaire.
Mais la leçon est claire : la force du nombre ne suffit pas. Sans formation adéquate, sans discipline, et sans un projet national inclusif, les recrutements risquent de prolonger le cycle de violence plutôt que de l’endiguer. La paix durable passera par une stratégie holistique :
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Diplomatie proactive pour diversifier les alliances (Émirats, Russie, Turquie, etc.).
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Investissements socio-économiques pour réduire le vivier de recrutement des groupes armés.
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Dialogue intercommunautaire et réconciliation nationale pour restaurer la confiance.
Entre août 2020 et août 2025, le Mali a profondément transformé son armée et renforcé ses alliances internationales. La deuxième Grande Commission mixte de coopération avec les Émirats symbolise une diplomatie ambitieuse, tandis que l’incorporation de près de 38 000 recrues illustre la volonté de bâtir une armée forte et autonome.
Cependant, l’avenir dépendra de la capacité des dirigeants maliens à articuler ces deux leviers – diplomatie et défense – autour d’une même ambition : faire du Mali un pays souverain, stable et prospère, capable de défendre son peuple et de contribuer à la paix au Sahel.
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Source: Bamada.net
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