L’ancien Premier ministre Moussa Mara a été placé sous mandat de dépôt le 1er août 2025 par le procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, à la suite d’un tweet publié le 4 juillet 2025.

Quatre chefs d’inculpation lui sont reprochés : atteinte au crédit de l’Etat ; opposition à l’autorité légitime ; incitation au trouble à l’ordre public ; publication et diffusion de nouvelles fausses mensongèrement attribuées à des tiers fait de mauvaise foi susceptible de troubler la paix publique. Ces chefs d’accusation sont basés sur son tweet du 4 juillet 2025, où l’ancien Premier ministre Moussa Mara exprimait son soutien à des personnalités incarcérées comme Ras Bath et Rose Vie Chère, après leur avoir rendu visite en prison.

Pour ce qui est des peines encourues, pour prendre le seul cas de l’atteinte au crédit de l’État, si elle est commise via des réseaux sociaux ou des plateformes numériques, elle peut être qualifiée comme une infraction cybercriminelle. Selon cette loi, les actes visant à discréditer les institutions publiques ou à porter atteinte à leur autorité peuvent entraîner un Emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 500 000 à 5 000 000 FCFA. En cas de circonstances aggravantes (par exemple, si l’infraction est jugée comme une menace à la sécurité nationale), les peines peuvent être plus lourdes.

1. Retombés d’un enfermement

La mise sous mandat de dépôt à la Maison centrale d’arrêt de Bamako comme un vulgaire criminel de l’ancien Premier ministre Moussa Mara par les autorités de la transition dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalit peut être analysée sous plusieurs angles pour comprendre les motivations et les retombés potentiels pour celles-ci.
Moussa Mara, ancien Premier ministre (2014-2015), est une figure politique influente, connue pour son discours réformiste et sa capacité à mobiliser l’opinion publique. Bien qu’il ait soutenu la transition au début, ses critiques récurrentes, notamment sur la gestion économique et les levées de fonds à forts taux d’intérêt, l’ont placé dans le point de mire des autorités. Son arrestation, le 30 juillet 2025, pour des chefs d’accusation liés à des publications (comme « atteinte au crédit de l’État » ou « publication de fausses nouvelles »), s’inscrit dans une série d’actions contre des opposants, journalistes et activistes.

2. Pourquoi cibler Mara spécifiquement ?

Les critiques de l’ancien Premier ministre Moussa Mara interviennent dans un climat de mécontentement croissant face à l’insécurité persistante, la crise économique et les restrictions des libertés. Les autorités chercheraient à étouffer ces voix pour éviter une cristallisation de l’opposition.
L’ancien Premier ministre Moussa Mara est un ancien haut responsable, président du parti dissous Yelema, et dispose d’une solide base politique et sociale de soutien, notamment parmi les jeunes, les femmes rurales et les intellectuels urbains. Sa capacité à articuler des critiques argumentées, comme son tweet du 29 juillet 2025 dénonçant l’endettement intérieur masqué, en fait une menace potentielle pour la rhétorique officielle.
En s’attaquant à une icône politique de son envergure, les autorités de la transition semblent montrer qu’aucune personnalité, même modérée ou anciennement alliée, n’est à l’abri, renforçant ainsi leur contrôle sur l’espace politique.

3. Dynamiques de pouvoir
Les autorités de la transition pourraient utiliser l’incarcération de l’ancien Premier ministre Moussa Mara comme un outil stratégique pour consolider leur pouvoir dans un contexte de fragilité politique, économique et institutionnelle. Voici les principaux avantages qu’elles pourraient tirer de cet emprisonnement :

a) Neutralisation des oppositions potentielles
La dissolution des partis politiques a laissé un vide dans le paysage politique organisé. Cependant, des figures comme l’ancien Premier ministre Moussa Mara, qui conservent une influence individuelle, peuvent devenir des points de ralliement pour des mouvements contestataires. En le mettant sous mandat de dépôt, les autorités empêchent qu’il ne devienne un catalyseur pour une opposition plus structurée et plus audacieuse.
Les accusations de cybercriminalité, bien que bateaux, permettent de contourner les accusations directes de répression politique, donnant une apparence de légalité à l’objectif attendu par les autorités.

b) Dissuasion des critiques
En ciblant des personnalités publiques, les autorités semblent envoyer un message d’intimidation à l’ensemble de la classe politique dissoute, de la société civile, aux médias et aux citoyens actifs sur les réseaux sociaux. L’incarcération de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, après des restrictions comme l’interdiction de voyager imposée le 21 juillet 2025, indiquerait que même des critiques modérées peuvent entraîner des conséquences graves.
Cette stratégie viserait à créer un climat d’autocensure, où les individus hésiteraient à s’exprimer sur des sujets sensibles comme la gouvernance, l’économie ou les alliances internationales.

c) Contrôle de l’espace numérique
– Les réseaux sociaux sont devenus un espace clé pour le débat public au Mali, où les médias traditionnels sont souvent sous pression. Les publications de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, largement relayées, ont amplifié ses critiques sur des sujets comme l’endettement ou la gestion des ressources publiques. En utilisant le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, créé en 2022, les autorités pourraient chercher à réguler cet espace et à limiter la diffusion de discours critiques. Cela pourrait s’inscrire dans une tendance sous-régionale où plusieurs pays utilisent des lois sur la cybercriminalité pour contrôler les réseaux sociaux.

d) Renforcement de l’image de fermeté
– La transition s’appuie sur une rhétorique de « souveraineté retrouvée » et de lutte contre les « ennemis de l’État » pour maintenir son soutien populaire, notamment parmi les jeunes et les populations frustrées par l’ancienne classe politique. L’arrestation de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, perçue par certains comme un vestige de l’ancien système, pourrait être présentée comme une preuve de la détermination des autorités à « nettoyer» le paysage politique. Cependant, cette fermeté risque de polariser davantage la société, entre ceux qui soutiennent la transition et ceux qui dénoncent une dérive autoritaire.
Les autorités de la transition cherchent à maintenir un contrôle strict sur le paysage politique. Moussa Mara, en tant qu’ancien Premier ministre et icône politique influente, représente une voix critique, bien qu’il ait initialement apporté son soutien à la transition. En l’incarcérant, les autorités veulent chercher à neutraliser une personnalité capable de mobiliser l’opinion publique ou de fédérer des oppositions, surtout dans un contexte où les partis politiques ont été dissous et les élections repoussées. Cela envoie un message clair aux autres voix discordantes : toute critique, même modérée, peut entraîner des conséquences sévères. Donc il s’agit de maintenir d’abord, et avant tout, la pression sur les opposants afin de permettre l’apaisement politique au moment où les forces de défense et de sécurité se battent au front.

4. Légitimation de la judiciarisation :
En poursuivant des figures comme l’ancien Premier ministre Moussa Mara pour des publications jugées critiques (comme son tweet du 4 juillet 2025 ou son commentaire sur l’endettement du Mali), les autorités privilégient ce cadre juridique de la cybercriminalité pour judiciariser des arrestations. Cela leur permet de mettre ces mesures liberticides dans un cadre légale plutôt que de les laisser paraitre comme des répressions politiques, renforçant ainsi leur image de gardiens de l’ordre public et de la sécurité nationale. En d’autres termes, il s’agit d’une opération cosmétique destinée à égaliser l’illégalité.
L’incarcération de Mara, accusé de délits tels que «atteinte au crédit de l’État », « opposition à l’autorité légitime », « incitation au trouble à l’ordre public » et « publication de fausses nouvelles », sert d’exemple pour décourager d’autres acteurs politiques, journalistes ou citoyens de s’exprimer contre la transition. Dans un contexte singulier où toute critique est perçue comme une tentative de déstabilisation, ces arrestations visent à instaurer un climat de peur pour pacifier notamment sur les réseaux sociaux les débats publics et les critiques sur des sujets sensibles comme la gestion économique ou la gouvernance.

5. Détourner l’attention des défis

Notre pays fait face à des défis économiques majeurs : inflation, endettement croissant, insécurité alimentaire et dépendance aux financements extérieurs. Dans notre pays, les réseaux sociaux sont devenus des espaces où les critiques contre les autorités de la transition sont relayées. Les publications de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, comme celle du 29 juillet 2025 sur l’endettement intérieur, ont été largement partagées, amplifiant leur impact. En ciblant ces publications, les autorités de la transition cherchent à contrôler l’espace numérique, où l’opinion publique peut être influencée rapidement. Cela leur permet de limiter la propagation de discours alternatifs qui pourraient remettre en question leur légitimité ou leurs choix politiques, comme les levées de fonds à forts taux d’intérêt.

a) Détournement de l’attention
– En focalisant l’attention sur des affaires judiciaires comme celle de Mara, les autorités pourraient réussir à détourner le débat public des problèmes structurels. Les accusations de cybercriminalité, souvent perçues comme exagérées, occuperaient l’espace médiatique et réduiraient la visibilité des critiques économiques. La stratégie permet de minimiser l’impact des discussions sur des sujets sensibles, comme la viabilité de l’endettement intérieur ou les conséquences des sanctions régionales imposées par la CEDEAO par le passé.

b) Maintien du contrôle économique
Les levées de fonds critiquées par l’ancien Premier ministre Moussa Mara sont essentielles pour financer les dépenses de l’État, notamment dans un contexte où notre pays a rompu avec certains partenaires traditionnels comme la France et cherche de nouvelles alliances (Russie, Chine). En muselant les voix qui questionnent ces choix, les autorités pourraient protéger leur capacité à mobiliser des ressources sans trop grande publicité, sans débat public, notamment sur les réseaux sociaux.

6. Maintien d’une image de fermeté :

Les autorités de la transition s’appuient sur des slogans comme « restauration de la souveraineté », « refondation», ou «stabilisation du pays» pour consolider leur pouvoir. En agissant de manière ferme contre des figures comme l’ancien Premier ministre Moussa Mara, les autorités projettent une image de fermeté et d’intransigeance. Toutes choses qui peuvent séduire davantage une partie de la population favorable à un pouvoir autoritaire face aux défis sécuritaires et économiques que notre pays traverse. Cependant, cela risque aussi d’alimenter les accusations de dérive autoritaire, comme le soulignent les partisans de Mara et certains observateurs.

7. Réactions nationales et internationales
L’arrestation de l’ancien Premier ministre Moussa Mara a suscité des réactions contrastées, qui influencent les avantages et les risques pour les autorités.

a) Au niveau national
Les Soutiens de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, notamment ses nombreux partisans, sympathisants et alliés, dénoncent une « cabale politique » et une atteinte aux libertés fondamentales. Cela peut galvaniser une opposition diffuse, même dans un contexte où les partis sont dissous.
Une partie de la population, lassée de l’ancienne élite politique, pourrait voir l’arrestation de l’ancien Premier ministre Moussa Mara comme une action légitime contre une classe dirigeante délégitimée et discréditée. Cependant, les restrictions croissantes des libertés pourraient aliéner d’autres segments, notamment les jeunes urbains actifs sur les réseaux sociaux. Les organisations de défense des droits humains et les syndicats de journalistes et activistes, déjà sous pression, pourraient intensifier leurs critiques, bien que leur marge de manœuvre soit limitée.

b) Au niveau international
Les pays occidentaux, comme la France, ceux de l’Union Européenne ou les États-Unis, déjà critiques envers la transition pour son rapprochement avec la Russie, pourraient condamner ces arrestations comme une nouvelle preuve de dérive autoritaire.
La Russie, principale partenaire stratégique de notre pays depuis 2021, et d’autres pays comme la Turquie ou la Chine, sont moins regardants sur les questions de droits humains. Ces alliances pourraient permettre à la transition de résister aux pressions internationales, mais elles ne suffisent pas à faire face à tous les défis, notamment les besoins économiques.
La CEDEAO, bien qu’affaiblie par le retrait du Mali de l’organisation, pourrait émettre des critiques, mais son influence est limitée face à la posture souverainiste de l’AES.

8. Risques à long terme pour les autorités
Si les autorités gagnent un contrôle temporaire sur les voix discordantes, l’embastillement comme stratégie peut avoir des effets contre-productifs. En effet, l’incarcération de icônes politiques comme Moussa Mara, perçue par certains comme une « cabale politique », peut discréditer davantage la transition et renforcer l’opposition, tant au niveau national qu’international. De plus, l’absence de transparence dans les procédures judiciaires et l’interdiction de voyager imposée à Moussa Mara (comme le 21 juillet 2025) alimentent les critiques sur la violation des droits fondamentaux, ce qui pourrait nuire à la légitimité des autorités à long terme.

a) Érosion de la légitimité
Les accusations récurrentes de répression politique, renforcées par la sélectivité dans les procédures judiciaires, qui alimentent les critiques d’autoritarisme pourrait éroder le soutien populaire, surtout si les promesses de « refondation » ne se traduisent pas par des améliorations concrètes de la vie des Maliens (sécurité, économie, services publics).
L’image de l’ancien Premier ministre Moussa Mara comme victime d’une injustice pourrait en faire un martyr politique, renforçant son influence à long terme.

b) Polarisation de la société
La répression des voix critiques pourrait aggraver les fractures entre les soutiens de la junte et ses opposants. Dans un pays déjà divisé par l’insécurité et les tensions économiques, cette polarisation pourrait compliquer la gouvernance future.

c) Risque de radicalisation
– En muselant les voix modérées comme l’ancien Premier ministre Moussa Mara, les autorités pourraient involontairement pousser certains opposants vers des formes de contestation plus radicales, y compris des alliances avec des groupes armés terroristes ou des mouvements clandestins.

9. Un pari risqué
Si en mettant l’ancien Premier ministre Moussa Mara sous mandat de dépôt, les autorités de la transition pourraient consolider leur pouvoir, contrôler l’espace public et dissuader les critiques dans un contexte de fragilité politique et économique, force est de reconnaitre que les gains à court terme sont maigres. S’ils incluent la neutralisation d’oppositions potentielles, le contrôle du discours numérique et le renforcement d’une image de fermeté, cependant, cette stratégie pourrait comporter des risques majeurs à prendre en compte : érosion de la légitimité, polarisation sociale, isolation internationale et radicalisation des oppositions.

À long terme, la réussite de cette approche dépendrait de la capacité des autorités à répondre aux attentes de la population en matière de sécurité, de développement et de gouvernance. Sans progrès tangibles, la répression des voix discordantes, mais audibles pourrait se retourner contre la transition, transformant des figures comme l’ancien Premier ministre Moussa Mara en symboles de résistance citoyenne, de résilience politique et accentuant les tensions dans un Mali déjà fragilisé.
Aussi, les autorités de la transition se doivent de revoir leur stratégie d’embastillement à tour de bras pour intégrer une possible ouverture pour un dialogue vraiment inclusif afin de permettre la cohésion et le sursaut national indispensable à notre pays dans cette phase de son histoire.

EL HADJ SAMBI TOURÉ



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