Contre toute attente, le premier sommet de l’Alliance des États du Sahel tenu à Niamey le 06 juillet 2024 a enregistré l’entrée en vigueur de l’AES dans le but de pérenniser les ambitions, visions et projets des trois Chefs d’Etat ainsi que ceux de leurs compatriotes. Ainsi, au-delà de cette prouesse, que faut-il retenir en termes d’acquis et de défis futurs ?
Le 16 septembre 2023, une nouvelle page d’histoire s’écrivait dans la région ouest africaine, d’abord avec la signature de la charte du Liptako Gourma portant création de l’Alliance des Etats du Sahel puis passant à la Confédération, c’est à un véritable coup de maître qui a surpris plus d’un. Depuis la mise en place de ladite Confédération, des engagements solides ont été adoptés par les trois pays à savoir, le Mali, le Burkina Faso et le Niger dans les secteurs les plus stratégiques afin de relever les immenses défis qui se dresseraient. Ainsi, dans un contexte géographique, géopolitique et stratégique très dense, marqué par d’innombrables crises, les Etats du Sahel n’ont trouvé mieux que la mutualisation de leurs forces, leurs expériences tirées de leur vécu respectif pour efficacement rebondir.
En outre, plus d’un an après la création de la Confédération, des avancées sont notables même s’il reste encore énormément de défis à relever. Parmi ces acquis, il y a entre autres :
La Force Unifiée de la Confédération
Dans le souci de juguler l’obscurantisme, le radicalisme et l’extrémisme violent et dans leur vision d’épurer l’espace sahélien, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont convenu d’un accord mutuel d’intensification de leurs présences sur les différents théâtres des opérations avec un effectif militaire de 5000 hommes composés de plusieurs éléments de chaque pays d’où l’ambition d’harmoniser à jamais les actions conjointes. Depuis sa création et malgré les attaques à répétions, la force unifiée sait toujours sortir sa tête de l’eau pour donner une leçon aux différentes forces du mal. Il est important de rappeler que l’idée fondamentale de la création de l’AES portait avant tout sur la défense et la sécurisation des personnes et de leurs biens même si après d’autres politiques ont surgi. Par ailleurs, force unifiée ne veut pas dire fin des manœuvres terroristes, mais dans leur contexte, elles (forces de défense de l’AES) arrivent à tenir bon en mettant les situations sous contrôles. Contrôler un espace aussi vaste que celui de l’AES relève de moyens très sophistiqués et d’où la flexibilité régnant entre les trois Etats en matière de renseignement, de communication, d’assistance ou encore d’appui pour maintenir en équilibre la force unifiée. L’autre élément crucial avec la Force Unifiée de la Confédération des Etats du Sahel, c’est sa promptitude à pallier la mise sous terre de la force conjointe du G5 qui réunissait en plus des Etats de l’AES, la Mauritanie et le Tchad sous la coordination des troupes françaises stationnées à titre proportionné depuis 2013 sur le sol sahélien avant de se voir voler progressivement la vedette en raison de son échec cuisant. Par ailleurs la défense et la sécurité bien qu’étant les socles de cette Confédération, ont cédé des espaces à la diplomatie, la culture, le sport par le biais de plusieurs démarches d’intégration.
L’AES : Une confédération, une identité
La Confédération des Etats du Sahel se veut ambitieuse, et pour cette raison, souhaite voir les choses du bon côté. Parler d’union revient à insister sur une identité propre et ça les trois Chefs d’Etat semblaient l’avoir en tête pour y avoir mis le doigt. Bien avant la force unifiée, le projet d’un passeport confédéral était sur la table ce qui permettrait de renforcer l’identité chère aux populations respectives. A l’instar de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, communauté au sein de laquelle ils se sont retirés depuis janvier 2023, ou encore de l’Union Européenne voire les Etats de l’espace Schengen, c’est toujours le même sentiment d’appartenance qui prime et raison valable pour mettre en circulation de manière générale les pièces d’identité de l’AES. Pour ce qui est du passeport, il va non seulement faciliter la libre circulation des personnes mais également renforcer la reconnaissance de la Confédération au-delà de ses frontières. Il faut aussi ajouter que ce passeport confédéral pourrait apporter gros aux trois Etats dans les années à venir notamment en termes d’investissements si jamais les politiques menées s’avèrent convaincantes, sur le plan diplomatique et toujours dans la même dynamique, les ressortissants « aesiens » pourraient bénéficier de certaines faveurs lors de leur demande de visa, il pourrait aussi pousser des Etats avec qui les liens diplomatiques sont solides de supprimer toute demande de visa et de faciliter l’accès à leur territoire aux ressortissants de l’AES.
La diplomatie au cœur des actions confédérales
Le diplomate à travers ses sens diplomatiques incarne son pays et ses intérêts. Cette expression illustre le travail abattu par la diplomatie confédérale pour restaurer aux trois Etats leur place d’antan. Tout au long de cette première année de démarches diplomatiques, les différents ministres des affaires étrangères se sont accrochés à une diplomatie de marque pour coordonner d’abord au plan régional, le divorce entre l’AES et la CEDEAO. Un divorce dont le dénouement final tenait tout le monde en haleine par des craintes d’escalades diplomatiques, économiques voire militaires, mais qui a fini par se solder par des parts de contrat bien remplies par les deux camps. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont su tirer leur épingle du jeu en anticipant à chaque fois sur les décisions de la CEDEAO avec pour optique de faire parler leur bonne foi pour une rupture à l’amiable. Au-delà des frontières africaines, la diplomatie confédérale a su porter la voix de la confédération insistant à chaque fois sur la représentativité, le respect et la reconnaissance par les instances institutionnelles régionales et internationales de l’AES. Elle s’est articulée à dénoncer sous toutes leurs formes les incessantes agressions contre l’AES à travers des ingérences extérieures dans la lutte contre le terrorisme. Sur un autre plan, la diplomatie confédérale est revenue sur l’état d’avancement du projet faramineux de l’initiative d’accès des Etats du Sahel à l’Atlantique facilité par le Royaume du Maroc pour permettre au Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad voisin d’avoir une ouverture maritime pour s’inscrire dans le commerce maritime international et fluidifier leurs échanges. Il est fondamental de rappeler que ce chantier sera financé en grande partie par un fond spécial des Emirats Arabes Unis.
Autant de points notables pour davantage avoir foi en cette diplomatie dont la marche est très prometteuse.
La sacralisation de la Confédération (logo, drapeau, hymne)
Pour sceller définitivement le projet de Confédération, les Chefs d’Etat ont instruit les différents exécutifs à œuvrer à sa sacralisation. Ainsi, un logo est entré dans un premier temps en jeu, suivi du drapeau et pour finir l’hymne. Cantonné pour la première fois le 09 juin dernier dans les trois Etats du Sahel, l’hymne de la Confédération va résonner dans les esprits comme un cri de cœur lancé par le peuple de l’AES pour manifester toute leur souffrance et leur envie d’émergence durable aux dires du ministre malien de la culture ayant travaillé en collégialité avec ses homologues burkinabé et nigérien. Ce coup est un message envoyé à la communauté internationale que l’envol de la Confédération des Etats du Sahel est bien une réalité. Le décor implanté par les moscovites lors de la récente visite du Président Goïta en terre russe en sa qualité de président en exercice de la Confédération est très révélateur et magnifie les liens stratégiques entre Moscou et l’AES.
Parler des acquis en ce premier anniversaire de la création de la Confédération ne saurait omettre ces éléments détaillés dont la Force unifiée, le passeport unique, le sursaut diplomatique et les symboles sacrés de la confédération (logo, drapeau, hymne). Il faut aussi souligner l’intégration économique, sécuritaire, commerciale, mais aussi par la culture et le sport. La confédération entend de faire d’un, les trois Etats liés par le même destin.
L’AES malgré ces avancées notables, fait face à d’immenses défis stratégiques afin de répondre aux différentes attentes populaires. Avec les crises multiformes qui ont secoué et qui continuent, font de la région un espace fragile avec des couches sociales très vulnérables. Ce qui renvoie au fait qu’il reste encore beaucoup à faire.
Le défi sécuritaire
Bien que la sécurité soit une ambition politique, l’espace « aesien » y est farouchement confronté à des endroits où des cas de blocus ou encore d’intimidation à vaquer à ses occupations sont souvent rapportés. L’immensité de l’espace et l’effectif minime des forces de défense et de sécurité sont des facteurs justificatifs. Les attaques bien que moins fréquentes continuent de cibler des populations civiles. La sécurisation des personnes et des biens est une priorité pour les Chefs d’Etat conscients des inquiétudes de leurs compatriotes.
Eau et énergie
Si l’Afrique se positionne comme étant le continent avec seulement 40% de taux d’électrification, l’AES occupe un pourcentage à ce titre bien maigre. Le Mali confronté à un délestage monstre depuis plus de deux ans, ses voisins de la confédération ne font pas l’exception. C’est pour dire que la fourniture d’eau et d’électricité demeure une attente populaire et une priorité absolue des dirigeants conscients des difficultés que traversent les millions de personnes de la région. C’est pour cette raison que des efforts ont été consentis avec d’autres études en cours pour investir largement dans ces secteurs clefs visant à définitivement soulager les populations et asseoir le projet de transport. Rien ne peut se réaliser sans une fourniture ininterrompue d’eau et d’électricité et ça les dirigeants de l’AES l’ont bien assimilée.
Agriculture…
Les aides humanitaires continuent d’affluer dans les zones précaires pour subvenir aux besoins alimentaires des populations qui y vivent. Très souvent, ce sont des populations à qui les terres ont été retirées, les exposant de facto à la famine et dont l’Etat n’a pas les moyens de nourrir ce qui nécessite l’intervention des ONG. Mais, c’est une situation qui ne pourrait perdurer et aux Etats de réfléchir à une meilleure alternative pour mettre ces zones à l’abri de ces précarités en investissant dans ce domaine ce qui faciliterait la création d’emplois pour des jeunes qui se retrouvent par manque d’options choisissent le chemin de l’immigration où au pire des cas, à la merci des forces du mal.
En résumé, il faut avoir foi en cette confédération qui est en train de passer en revue tous les chantiers stratégiques pour redonner le sourire à un peuple meurtri et tiraillé entre doute et espoir.
Amadou OUANE
Source : Le PAYS
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