Lors du récent forum international « À la Une » consacré à la réparation des crimes coloniaux et de l’esclavage, une voix s’est élevée avec force et conviction depuis l’espace sahélien. Mohamed AG Mohammedine, intellectuel engagé et fervent défenseur des droits humains, a lancé un appel retentissant en faveur d’une réforme audacieuse du droit pénal dans l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Bamada.net-Dans une intervention largement saluée par les participants, il a proposé que la future juridiction pénale de l’espace AES intègre de manière explicite les crimes coloniaux et les faits esclavagistes parmi les crimes contre l’humanité. Selon lui, cette reconnaissance juridique est indispensable pour que la justice sahélienne soit pleinement en phase avec l’Histoire, la dignité des peuples et les exigences de souveraineté retrouvée.
« Le contexte actuel dans l’espace AES est favorable à une telle avancée. Nous avons aujourd’hui une opportunité historique de rompre avec l’oubli institutionnalisé des souffrances infligées à nos peuples sous la colonisation et l’esclavage », a-t-il affirmé devant un parterre d’universitaires, de juristes et de responsables politiques.
Une justice souveraine au service de la mémoire
Cette déclaration intervient dans un moment charnière pour les pays membres de l’AES, engagés dans une redéfinition profonde de leurs institutions et de leurs rapports avec les puissances étrangères. En quête d’émancipation juridique et politique, ils cherchent à établir des mécanismes de justice adaptés à leur trajectoire historique.
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Mohamed AG Mohammedine estime qu’« une juridiction pénale véritablement indépendante et enracinée dans notre réalité doit se donner les moyens d’enquêter, juger et condamner les crimes du passé colonial, au même titre que les autres atrocités reconnues internationalement ».
Il invite les chercheurs, les juristes, les historiens et les acteurs de la société civile à se mobiliser rapidement pour constituer un dossier juridico-historique robuste, à soumettre aux autorités compétentes de l’AES. L’objectif : porter cette revendication sur la scène internationale, avec force, clarté et légitimité.
Une critique assumée des institutions internationales
Mohamed AG ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque la Cour pénale internationale (CPI), qu’il accuse de pratiquer une justice à deux vitesses.
« L’on ne peut pas compter sur des organisations comme la CPI, une juridiction à géométrie variable, qui ferme les yeux sur les crimes coloniaux des puissances occidentales, tout en focalisant ses procédures presque exclusivement sur l’Afrique », a-t-il martelé.
Cette position fait écho à une critique de plus en plus partagée dans le Sud global, selon laquelle les mécanismes de justice pénale internationale seraient biaisés, reproduisant les rapports de domination hérités de l’ordre colonial. Dans ce contexte, la création d’une juridiction pénale sahélienne autonome, répondant aux normes de justice universelle tout en intégrant les spécificités historiques de la région, apparaît comme une réponse politique et juridique de rupture.
Une dynamique de rupture postcoloniale
Depuis leur retrait progressif de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et leur orientation vers une coopération renforcée au sein de l’AES, le Mali, le Burkina Faso et le Niger posent les jalons d’une nouvelle souveraineté. Cette transition s’accompagne d’un repositionnement intellectuel, culturel et géopolitique, qui se manifeste également dans le domaine du droit.
L’appel de Mohamed AG Mohammedine s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Il vise à replacer les luttes pour la reconnaissance des traumatismes coloniaux au cœur du nouveau paradigme juridique sahélien. Pour lui, il ne s’agit pas de raviver les blessures du passé dans un esprit de revanche, mais d’offrir aux générations présentes et futures une justice réparatrice fondée sur la vérité, la mémoire et la dignité.
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Moussa Keita
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Source: Bamada.net
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