La récente saisie d’équipements militaires destinés à des groupes armés, bien que souvent présentée comme un fait divers, est en réalité le symptôme d’une blessure profonde et persistante : celle des revendications territoriales dans le nord du pays, autour de la notion complexe de l’Azawad. Cette situation, loin d’être nouvelle, est un écho des défis historiques auxquels le Mali est confronté depuis des décennies.
Le terme Azawad, souvent brandi comme étendard d’une aspiration à l’autonomie ou à l’indépendance, est avant tout une réalité géographique et pastorale. Historiquement, l’Azawad désigne un espace de pâturage, une zone vaste et aride du septentrion malien. Il est crucial de souligner que cet espace n’a jamais constitué, ni avant ni pendant la colonisation, une entité politique ou administrative autonome clairement définie. Les frontières des revendications actuelles varient d’ailleurs considérablement d’un groupe à l’autre, allant de Kidal à Nampala, ou de Kidal à Douentza. Ces contradictions géographiques mettent en lumière la nature évanescente d’un « territoire » qui, dans l’imaginaire de certains, s’étend bien au-delà de sa définition originelle.
Ces terres n’ont jamais été la propriété exclusive d’un seul groupe ethnique. Elles ont été, au fil des siècles, des zones de passage et d’échanges, intégrées aux grands empires ouest-africains tels que l’Empire du Mali et l’Empire Songhaï. Leur histoire est celle d’un carrefour nomade, d’une région où différentes communautés cohabitaient, partageant des ressources rares et souvent disputées. La colonisation française, en traçant des frontières artificielles, a figé des dynamiques ancestrales, contribuant involontairement à semer les graines de futures tensions.
Des revendications enracinées dans des grievances non résolues
Les revendications autour de l’Azawad, bien que parfois portées par des groupes armés, sont souvent le reflet de grievances profondes et légitimes au sein des populations du nord. Marginalisation économique, insuffisance des infrastructures, faible présence de l’État, et sentiment d’abandon ont alimenté un terreau fertile pour le ressentiment. Les rébellions touarègues successives, qui ont jalonné l’histoire post-indépendance du Mali, ne sont pas de simples épisodes de violence ; elles sont l’expression d’un mal-être persistant, d’une quête de reconnaissance et d’une meilleure intégration au sein de l’État malien.
La complexité réside dans le fait que ces revendications, si elles peuvent être sincères, sont également exploitées par des acteurs aux agendas divers, y compris des groupes armés non étatiques et des réseaux criminels profitant de l’instabilité. La porosité des frontières et les intérêts régionaux exacerbés par des enjeux de sécurité complexes ne font qu’ajouter à cette équation déjà difficile.
Face à cette situation, la question de la résolution des conflits se pose avec acuité. L’idée d’un référendum d’autodétermination dans les territoires revendiqués par certains groupes armés est une proposition qui mérite une analyse approfondie. Une telle démarche, si elle était envisagée, devrait être menée avec une impartialité scrupuleuse, une définition claire des territoires concernés – ce qui est loin d’être évident compte tenu des contradictions existantes – et une implication massive de toutes les communautés résidentes.
L’objectif d’un tel processus ne serait pas de valider des revendications infondées, mais de démystifier la notion d’Azawad en la soumettant au verdict des populations concernées. Cela permettrait de déterminer, une bonne fois pour toutes, si une aspiration unitaire à l’autonomie existe réellement et où elle se situe, ou si les revendications sont le fait d’une minorité. Une telle consultation pourrait offrir une voie vers une solution politique durable, basée sur l’expression démocratique et la volonté des peuples.
Cependant, un référendum n’est pas une panacée. Il doit s’inscrire dans une stratégie globale de développement inclusif, de renforcement de la gouvernance locale, et de restauration de la confiance entre l’État et ses citoyens. La sécurité, la justice et l’accès aux services de base sont des piliers fondamentaux pour désamorcer les tensions et offrir des perspectives d’avenir aux populations du nord du Mali.
En somme, la situation au nord du Mali est un défi multidimensionnel, où l’histoire, la géographie, les enjeux politiques et les dynamiques sociales s’entremêlent. La recherche d’une paix durable exige une approche nuancée, une compréhension approfondie des racines du conflit, et un engagement ferme à bâtir un Mali uni, où chaque citoyen, quelle que soit son origine, se sente pleinement intégré et représenté. La saisie des équipements militaires du 22 juillet 2025 n’est qu’un rappel de l’urgence de cette tâche.
A K. Dramé
Journaliste indépendant, analyste et chercheur en Stratégie de Croissance Acc »l »r »e, Enjeux et Innovation du Développement Durable
Source: Mali Tribune
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