Les délégations des pays de l’AES ont claqué la porte du conseil des ministres des finances de L’UMOA du 11 juillet 2025 à Lomé. ( L’ Union monétaire Ouest Africaine qui est différente de l’UEMOA ( L’ Union Economique et Monétaire Ouest Africaine ).
La raison invoquée est le refus des cinq autres membres de l’Union monétaire d’accorder la présidence tournante du Conseil des ministres au Burkina Faso dont c’était le tour.
Quelle explication donner à ce coup de canif au consensus légendaire qui règne dans cette institution qui à travers la BCEAO est le gendarme et le trésorier de la politique monétaire de ses huit États membres ?
Car si l’article 11 du traité de l’UMOA évoque bien une rotation pour la Présidence du conseil des ministres, il évoque aussi le consensus nécessaire pour la désignation du Président.
Pour bien cerner le problème, il est nécessaire de savoir que :
La BCEAO, qui est le principal instrument de l’UMOA est l’institut d’émission du franc CFA et centralise une part importante des avoirs extérieurs des États membres notamment les réserves de change, une moindre part est détenue par les banques primaires nationales.
Ces réserves de change proviennent essentiellement des recettes d’exportation de marchandises et de services, du tourisme , des emprunts et dons reçus , ( comme les tirages auprès de la Banque Mondiale et du FMI , les aides des partenaires bilatéraux ou multilatéraux , ou des fonds levés sur le marché international comme le font désormais le Bénin , la Côte d’Ivoire et le Sénégal ) ces réserves de change servent à financer les importations de biens et de services. Le dollar américain représente environ 63% des réserves de change dans le monde, suivi de l’euro pour 20%.
Évidemment dans l’UMOA, certains pays contribuent souvent plus que d’autres dans la constitution du pool commun des devises, les chiffres sont connus mais la BCEAO ne les publie jamais pour préserver l’esprit de solidarité.
La crise actuelle tire son origine des faits suivants :
D’abord, il a été constaté depuis un certain temps que l’or qui est la principale matière d’exportation du Burkina Faso est vendu sur le marché noir et échappe ainsi au contrôle de la BCEAO en violation des règles communautaires, ce qui fausse le mécanisme de solidarité mis en place au sein de l’union monétaire où tous les avoirs extérieurs doivent être mis au pot commun.
Ensuite le Président du Burkina Faso a clamé urbi et orbi que le franc CFA qui est une monnaie néocoloniale n’est pas la leur car contrôlé par la France.
Le Président du Burkina Faso a déclaré qu’il ne collaborera jamais avec la France dans aucun domaine, or il se trouve que la France partenaire historique de L’UMOA qui n’est plus membre du Conseil d’administration de la BCEAO, est le pays qui garantit la convertibilité du franc CFA sur le marché monétaire international ! Ce qui explique la parité fixe du franc par rapport à l’euro, gage de stabilité et de crédibilité.
Enfin, last but not the least, le Burkina Faso comme ses autres partenaires de l’AES viennent par leurs récentes décisions de mettre entre parenthèses la Démocratie représentative et la forme républicaine de L’Etat en pérennisant dans leurs pays respectifs des régimes de transition militaire de fait à durée illimitée, sans élections et sans contrepouvoirs.
Alors, les questions que l’on est légitimement en droit de se poser sont les suivantes :
Cette défiance proclamée du Président du Burkina Faso envers le franc CFA et le partenaire historique est-il un gage de sécurité et de stabilité pour les économies de la zone monétaire?
Assurément non !
Le souverainisme agressif tout azimut du Président du Faso s’accommode-t-il des règles de consensus, de solidarité, de coopération et d’équilibre financier en vigueur au sein de L’UMOA?
Assurément non !
L’univers de l’argent et la monnaie s’accommode-t-il du bruit de la fureur, de la défiance et de la propagande ?
Assurément non !
Peut-on confier la haute administration de la BCEAO à ceux qui foulent aux pieds ses règles de transparence et d’équité en commercialisant leur produit d’exportation sur le marché noir au nom de la souveraineté ?
Assurément non !
Des pays démocratiques et républicains peuvent-ils accepter de laisser un régime militaire autoritaire de fait et antidémocratique diriger pendant deux ans et contrôler l’organe de gestion et de régulation de leurs finances et de leur monnaie ?
Assurément non !
Face au danger que représente pour leur monnaie , leurs économies et le bien-être de leurs populations tous ces signaux négatifs, les incertitudes et illusions du néo souverainisme , agressif et disruptif de l’un de leurs membres qui refuse de défendre la monnaie commune et entreprend de scier la branche sur laquelle ils sont tous assis , les autorités des cinq autres pays de l’UMOA ont décidé en toute souveraineté par prudence et par réalisme de ne pas lui accorder la Présidence du conseil des ministres faute de consensus .
Les États de l’AES ont spectaculairement claqué la porte de la CEDEAO au prétexte de sanctions illégales et illégitimes selon eux, pourtant ils n’ont pas bouclé la boucle en claquant la porte de l’UMOA et de L’UEMOA qui avaient pourtant au même moment, à l’instar de la CEDEAO pris des sanctions très sévères contre eux à la suite des putschs successifs !
Le 11 juillet 2025, ils avaient l’occasion idéale et le prétexte tout trouvé pour s’affranchir enfin du franc CFA tant honni et vilipendé par leurs idéologues et leurs dirigeants.
Ils n’ont pas osé franchir le rubican, et ne le franchiront pas de sitôt car au stade actuel l’opération serait périlleuse à plus d’un titre car nonobstant les problèmes de convertibilité et de parité d’une éventuelle nouvelle monnaie,
– ils seront privés des ressources du marché de la dette publique de l’Union que les Trésors sollicitent pour financer les déficits budgétaires. (Environ 600 milliards annuels pour le Mali)
– ils feront face à un affaiblissement des réserves de change ce qui peut conduire à une réduction drastique des importations.
– les banques auront des difficultés à avoir des correspondants étrangers si certains pays occidentaux décident de se liguer contre nous en toute souveraineté.
– de ce fait, les banques seront déconnectées du réseau SWIFT sans lequel il est impossible de faire des paiements sur l’extérieur à moins de recourir au troc ….. Entre autres.
Ils ont été donc rattrapés par le même réalisme et la même prudence dont ont fait preuve leurs partenaires en refusant la Présidence au Burkina Faso !
Le Conseil des ministres s’est poursuivi normalement après leur départ et des décisions importantes ont été prises, le problème de la Présidence du conseil est laissé à l’appréciation du prochain Sommet des Chefs d’Etat de l’Union.
Pendant ce temps, loin du bruit et du tapage, les chiffres de la BCEAO parlent d’eux-mêmes et toute l’Union monétaire en profite :
– Une croissance économique prévue à 6,4% en 2025 contre 6,3% en 2024.
-Le taux d’inflation ramenée à 2 ,3 % au 1er trimestre 2025 en dessous de la cible de 3% de la BCEAO.
– Le taux principal directeur est à 3 ,25% depuis juin 2025 ce qui produit une baisse du taux d’intérêt sur le guichet de prêt marginal à 5 ,25 %.
– Le taux des réserves obligatoires est resté à 3%.
– La masse monétaire a connu une progression de 12 ,7% en glissement annuel à fin mars 2025.
Comme quoi, l’intégration sous régionale et régionale n’est pas une option pour nos États mais bien un impératif, une nécessité et une exigence qui ne saurait souffrir des aléas d’aucun souverainisme incantatoire, fantaisiste et illusoire !
Malick Touré
Administrateur Civil
Source : L’Alternance
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