Avec l’entrée en production de la mine de lithium de Goulamina, inaugurée le 15 décembre 2024 dans la région de Bougouni, le Mali entame une nouvelle ère dans la gestion de ses ressources naturelles. En vertu du Code minier révisé en 2023, le gouvernement malien est désormais actionnaire à hauteur de 35 % dans ce projet stratégique, un tournant inédit dans l’histoire minière du pays.
Une réforme qui change la donne
Bamada.net-Longtemps perçu comme simple bénéficiaire de royalties ou de participations symboliques, l’État malien prend désormais une place centrale dans l’industrie extractive nationale. Le nouveau Code minier adopté en 2023 a permis de rehausser significativement la part que le Mali peut détenir dans tout projet minier. Cette législation prévoit désormais :
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Une participation gratuite obligatoire de 10 %,
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La possibilité pour l’État d’acheter jusqu’à 20 % d’intérêts supplémentaires,
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Et l’inclusion de 5 % de parts réservées aux opérateurs économiques locaux.
Ce changement législatif vise à rétablir un meilleur équilibre entre les sociétés minières internationales et les intérêts nationaux. Il marque la volonté des autorités de tirer un maximum de revenus de l’exploitation des ressources stratégiques, dans un contexte mondial où les minerais critiques, comme le lithium, suscitent un engouement croissant.
Un accord stratégique avec Ganfeng Lithium
En décembre 2024, la société chinoise Ganfeng Lithium, principal développeur du projet de Goulamina, a officiellement accepté de céder 35 % des intérêts dans la mine au gouvernement malien. Ce transfert se compose des 10 % gratuits prévus par la loi, et de 25 % de parts que l’État va acquérir progressivement pour un montant total de 20 milliards de FCFA (environ 34,3 millions de dollars US), selon le rapport annuel publié fin avril 2025 par l’entreprise.
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Fait notable, cet investissement n’est pas financé par un paiement immédiat : le Mali s’est engagé à rembourser cette somme par tranches, en utilisant 20 % des dividendes annuels issus de sa propre participation. Ce mécanisme de paiement différé a été évalué par Ganfeng à une valeur actualisée de 23,2 millions de dollars, avec un taux d’intérêt de 19 %.
Une logique économique mieux maîtrisée
Selon les dispositions de l’article 80 du Code minier 2023, toute acquisition de parts par l’État doit être basée sur une évaluation rigoureuse. Le prix d’achat doit refléter la proportion des dépenses engagées dans les travaux de recherche et de faisabilité, augmentée d’un intérêt indexé sur le taux directeur de la BCEAO, majoré de deux points. Cela permet d’éviter les surévaluations et d’encadrer légalement les conditions de rachat des parts, offrant ainsi un garde-fou contre les dérives contractuelles.
Même si le détail des calculs ayant conduit à la fixation du prix de 20 milliards FCFA n’a pas été divulgué, cette acquisition traduit clairement un regain d’exigence dans la gestion des accords miniers.
Un modèle à suivre pour les futurs projets ?
Ce premier cas d’application du nouveau Code minier peut servir de référence pour les prochains contrats d’exploitation au Mali. Grâce à cette nouvelle approche, le pays espère mobiliser chaque année près de 500 milliards de FCFA de recettes supplémentaires, en maximisant la valeur ajoutée locale et en s’impliquant directement dans la production.
Le lithium, surnommé “l’or blanc” du XXIe siècle, est au cœur de la révolution énergétique mondiale. Avec une capacité annuelle de production estimée à 500 000 tonnes de spodumène, la mine de Goulamina est appelée à jouer un rôle majeur dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des batteries électriques. La production devrait être expédiée principalement vers la Chine, où la demande est en constante augmentation.
Et les 5 % pour les acteurs locaux ?
Un aspect reste encore en suspens : la mise en œuvre effective des 5 % d’intérêts réservés aux investisseurs maliens. Si le Code minier en fixe le principe, aucune information concrète n’a encore été donnée sur l’identité des bénéficiaires ou les modalités d’attribution. Cette part représente pourtant une opportunité unique d’impliquer le secteur privé national dans des projets à haute rentabilité, jusque-là dominés par des capitaux étrangers.
Le gouvernement devra clarifier rapidement comment ces parts seront réparties : s’agira-t-il d’un appel public, d’un fonds souverain, d’une bourse nationale ou d’un partenariat structuré avec des entreprises locales ? La réussite de cette disposition dépendra de la transparence du processus et de la volonté politique d’élargir réellement la base bénéficiaire.
Un enjeu de souveraineté économique
Plus qu’un simple contrat minier, le dossier Goulamina incarne une nouvelle vision économique pour le Mali. En prenant le contrôle partiel d’un minerai stratégique, l’État envoie un signal fort : le pays entend désormais décider de la manière dont ses ressources sont exploitées et répartir équitablement les bénéfices au profit de son développement.
Mais pour que cette stratégie tienne ses promesses, elle devra s’accompagner d’un renforcement institutionnel, d’une gestion rigoureuse des recettes extractives et d’une exigence de redevabilité accrue vis-à-vis des partenaires étrangers.
La mine de lithium de Goulamina n’est qu’un début. Si la dynamique est maintenue, le Mali pourrait progressivement devenir un acteur majeur dans le domaine des minerais stratégiques, tout en consolidant sa souveraineté économique.
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Ladji Djiga Sidibé
Source: Bamada.net
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