Ceux qui suivent de près l’évolution politique et économique du Mali ne seront nullement surpris par les récentes performances du pays en matière de gestion de la dette publique. Les autorités de la transition, conscientes des enjeux liés à la souveraineté économique, n’ont eu de cesse de démontrer leur volonté farouche de libérer le pays de la dépendance extérieure, notamment financière. Dans un contexte sous-régional marqué par des tensions géopolitiques, une inflation galopante et des incertitudes sécuritaires, la stratégie malienne en matière de dette publique s’impose comme un modèle pragmatique.
Bamada.net-Car, faut-il le rappeler, la dette n’est pas en soi un mal. Elle constitue un levier de développement à condition qu’elle soit soutenable, bien ciblée et bien gérée. Et c’est justement sur ce terrain que le Mali se démarque.
Comprendre la dette pour mieux la maîtriser
La dette publique d’un pays se compose généralement de deux grandes parties : la dette extérieure et la dette intérieure. La première est contractée auprès d’institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale…) ou d’États partenaires, dans le cadre d’accords bilatéraux ou multilatéraux. Elle est souvent libellée en devises étrangères, ce qui la rend plus vulnérable aux fluctuations monétaires. La seconde, la dette intérieure, est levée sur les marchés financiers locaux sous forme de bons ou d’obligations du Trésor et est libellée en monnaie nationale, en l’occurrence le franc CFA pour le Mali.
Cette distinction est essentielle car elle permet de comprendre la stratégie actuelle du gouvernement malien : privilégier la dette intérieure au détriment de la dette extérieure. Une approche qui non seulement limite l’exposition du pays aux risques de change, mais renforce également le rôle des acteurs économiques nationaux dans le financement du développement.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Au 31 décembre 2024, la dette publique du Mali s’élevait à 6 809,33 milliards FCFA. Mais selon les données mises à jour par l’UEMOA, elle a été ramenée à 2 381,41 milliards FCFA à la date du 31 mai 2025, pour un PIB en progression de +1,81 %, atteignant 14,93 %. Une trajectoire descendante qui témoigne de la maîtrise progressive de l’endettement.
À ce titre, l’économiste malien Modibo Mao Makalou, ancien conseiller à la présidence, a souligné dans une publication du 9 juillet 2025 que l’État malien n’est pas surendetté. Selon lui, la politique actuelle repose sur la bonne gouvernance budgétaire, la gestion rigoureuse de la dette, et la priorisation de l’emprunt intérieur.
En effet, en juin et juillet 2025, le Trésor malien a pu lever respectivement 25 milliards FCFA et 43,999 milliards FCFA sur le marché financier régional de l’UEMOA. Un signal clair que le pays inspire confiance aux investisseurs de la région, malgré un contexte international instable.
Une dette maîtrisée, un État responsable
Le gouvernement malien ne se contente pas de contracter de la dette : il la rembourse régulièrement. Toutefois, comme le souligne Makalou, il existe une dette fournisseurs – des arriérés envers le secteur privé national – qui, si elle n’est pas réglée à temps, peut freiner la dynamique économique interne. C’est un défi que le gouvernement devra continuer à relever dans un souci de partenariat durable avec les entreprises locales.
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Toujours selon les propos de l’économiste, 85,7 % de la dette intérieure malienne est composée de titres publics, ce qui illustre la capacité de l’État à mobiliser les ressources internes plutôt que de dépendre systématiquement de l’étranger. Il estime d’ailleurs que le niveau de la dette extérieure reste modéré, avec une marge de manœuvre suffisante pour absorber les éventuels chocs économiques.
La dette publique globale représentait 51,6 % du PIB en 2024 et devrait, selon les prévisions, baisser à 50,6 % en 2025. Une performance saluée par les experts économiques, et qui donne au Mali une place méritée dans le classement des 10 pays africains les moins endettés en 2025.
Le “budget-programme” : une réforme structurelle salutaire
Au-delà de la gestion de la dette, l’un des leviers majeurs de cette réussite réside dans l’adoption du budget-programme, un outil de gouvernance budgétaire qui place la performance au cœur de l’action publique. Le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, l’a souligné lors d’un passage remarqué sur l’ORTM fin mai 2025, dans l’émission “Mali Kura Taa Sira”.
Ce nouveau mode de gestion remplace l’ancien “budget des moyens” par une logique de résultats. Les institutions et ministères ne se contentent plus de consommer des ressources, mais doivent démontrer leur efficacité à travers des objectifs mesurables et des indicateurs de performance. La loi de finances 2025 s’appuie ainsi sur 141 programmes et 331 actions spécifiques.
Par ailleurs, le déficit budgétaire du Mali, fixé à 2,6 %, reste en deçà du seuil des 3 % recommandé par l’UEMOA. C’est la preuve d’une gestion saine, responsable et durable.
Vers une souveraineté économique consolidée
Ce qu’il faut retenir, c’est que la stratégie adoptée par le gouvernement malien ne relève ni du hasard ni de l’improvisation. Elle est le fruit d’une vision politique claire : renforcer la souveraineté nationale, maîtriser les finances publiques, et stimuler le développement par des solutions endogènes.
À travers une politique budgétaire disciplinée, un recours intelligent à la dette intérieure et une gouvernance axée sur les résultats, le Mali s’éloigne peu à peu du spectre de la dépendance financière et s’engage résolument sur la voie du redressement économique.
Cette dynamique mérite d’être saluée, soutenue, mais aussi renforcée dans la durée. Car c’est dans la continuité que naissent les grandes transformations. Le Mali, avec courage et méthode, construit pas à pas les fondations de son avenir souverain.
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Fatoumata Bintou Y
Source: Bamada.net
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