Le Conseil des ministres du 9 juillet 2025, réuni au palais de Koulouba, a pris une décision que les fonctionnaires maliens n’osaient plus vraiment espérer : une revalorisation progressive de leur traitement indiciaire, jusqu’en 2030. Trois chiffres qui claquent comme une promesse d’avenir — 5,5 %, 5,5 %, 6,5 % — et un chiffre colossal pour les finances publiques : 103,9 milliards de francs CFA.

En ces temps de rigueur budgétaire, où les États s’enlisent souvent dans des discours plus que dans des actes, le Mali a choisi de signer un acte politique fort. Sous la présidence du Général d’Armée Assimi Goïta, la Transition malienne — que l’on disait essoufflée sur le plan social — a pris de court les observateurs en entérinant une hausse des traitements dans la fonction publique qui s’échelonnera sur cinq ans.

Le projet, porté par le ministre du Travail, de la Fonction publique et du Dialogue social, Dr Fassoum Coulibaly, n’est pas sorti d’un chapeau gouvernemental, mais d’un cadre de concertation patient et structuré, mis en place dans la foulée du Pacte de Stabilité sociale et de Croissance signé en août 2023 avec les syndicats et le patronat. Le fruit d’une volonté d’apaisement et d’un dialogue social.

Trois paliers pour redonner souffle à la fonction publique

Le décret adopté fixe les majorations indiciaires suivantes :

  • +5,5 % au 1er janvier 2026
  • +5,5 % au 1er janvier 2028
  • +6,5 % au 1er janvier 2030

Une hausse à la fois mesurée et durable, étalée dans le temps pour éviter les chocs macroéconomiques, mais suffisante pour répondre à la demande sociale croissante. Le signal est clair : l’État malien veut reconstruire la confiance avec ses agents publics, trop longtemps relégués au rang de variables d’ajustement.

Le dialogue social, colonne vertébrale de la Transition ?

À rebours des décisions unilatérales qui caractérisent trop souvent les régimes d’exception, la Transition semble avoir fait le pari du partenariat institutionnel, au moins sur le terrain de la gestion publique. Entre février et mars 2025, un cadre bipartite de réflexion a réuni, autour de la même table, le gouvernement et les centrales syndicales, pour débattre — non pas de principes abstraits — mais de chiffres, de points d’indice, de projections budgétaires. Un exercice de rationalité dans un pays encore secoué par les séismes politiques récents.

Et si le Mali, pays de tradition orale, redécouvrait le pouvoir du contrat écrit, du pacte signé, de l’accord respecté ? Le Pacte de stabilité, jusque-là cantonné aux tiroirs des bureaux, prend ici la forme d’un décret, et donc d’un engagement contraignant.

Une facture salée, mais assumée

L’incidence financière ? Colossale. Plus de 103 milliards de francs CFA d’ici 2030. Une somme qui pourrait effrayer les technocrates du FMI, mais qui s’inscrit dans une vision stratégique : sécuriser les revenus de ceux qui enseignent, soignent, administrent et tiennent debout l’État malien. En période d’austérité imposée par la conjoncture internationale, le choix d’investir dans le facteur humain est un acte politique courageux.

Car c’est aussi un message envoyé à une population souvent désabusée. Oui, l’État peut encore tenir parole. Oui, un gouvernement militaire peut aussi être un gouvernement de gestion, et non seulement de sécurité.

Gouverner, c’est aussi redistribuer

Cette revalorisation progressive sonne comme un ancrage dans le temps long. Préparer 2026, 2028, 2030, c’est une manière de désamorcer les tensions sociales latentes, alors que les attentes des fonctionnaires, enseignants, contractuels et agents des collectivités sont plus que jamais pressantes.

Il ne suffit pas de sécuriser les frontières ou de restaurer l’autorité de l’État. Encore faut-il rémunérer ceux qui portent cet État à bout de bras. La décision du Conseil des ministres du 9 juillet est de ce point de vue un signal politique fort.

À l’heure où tant de gouvernements africains reculent sous la pression des bailleurs ou du réel, le Mali fait le pari inverse : tenir sa parole, même coûteuse, pour acheter la paix sociale. Peut-être une première victoire — budgétaire cette fois — pour un pays en quête de stabilité durable.

Chiencoro Diarra 

Source : Sahel Tribune



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