Le secteur aurifère mondial vient de recevoir un signal fort : les revenus de Barrick Mining, l’un des géants canadiens de l’or, ont bondi de 13,5 % au premier semestre 2025 pour atteindre 4,79 milliards de dollars, malgré un revers majeur au Mali. Cette annonce, rapportée par Reuters et reprise par plusieurs agences, résonne comme un paradoxe. Car derrière ces chiffres se cache une réalité plus complexe : la perte de contrôle par Barrick du complexe aurifère Loulo-Gounkoto, pierre angulaire de ses activités africaines.

Quand le Mali change la donne

Bamada.net-Depuis janvier 2025, la mine de Loulo-Gounkoto, située dans l’ouest du Mali, est au cœur d’un bras de fer inédit entre Bamako et la multinationale. Cette mine, détenue à 80 % par Barrick et à 20 % par l’État malien, produisait encore 723 000 onces d’or en 2024, ce qui en faisait l’un des principaux poumons économiques de la compagnie. Mais la donne a changé avec la décision souveraine du gouvernement malien de bloquer les exportations, de saisir une partie du stock d’or, puis de nommer en juin un administrateur provisoire pour superviser le site.

Résultat : 1,03 milliard de dollars de pertes comptables pour Barrick, une déconsolidation forcée de ses actifs maliens et surtout, une rupture de confiance entre un État soucieux de défendre sa souveraineté économique et un opérateur international attaché à ses marges.

Le paradoxe des chiffres : des pertes sur fond de profits records

Ironie du calendrier : alors que Barrick perd le contrôle d’une de ses mines phares, la flambée historique du prix de l’or lui permet de compenser cette perte. Au premier semestre 2025, le groupe a vendu 1,52 million d’onces d’or, soit une baisse de 18 % en volume, mais à un prix de vente moyen record de 3 099 dollars l’once, contre 2 213 dollars un an plus tôt.

Le contexte international joue en sa faveur : tensions géopolitiques, incertitudes économiques et recherche de valeurs refuges ont propulsé le métal jaune au-delà de 3 500 dollars l’once début août. Certains analystes prédisent même une ascension vers les 4 000 dollars d’ici fin 2025. De quoi donner de l’oxygène à Barrick, tout en soulignant l’extrême dépendance de la compagnie aux caprices des marchés.

Bamako trace sa voie : souveraineté contre dépendance

Pour le Mali, cette affaire dépasse le simple cadre économique. Elle symbolise une nouvelle orientation politique : réaffirmer sa souveraineté sur ses ressources naturelles. Dans un pays où l’or représente plus de 70 % des exportations, la mainmise sur Loulo-Gounkoto est un acte politique fort, même s’il comporte des risques.

La nomination d’un administrateur provisoire traduit la volonté de l’État de contrôler, au moins temporairement, un site stratégique. Mais cela pose une question cruciale : le Mali a-t-il les moyens techniques et financiers de gérer efficacement une mine de cette envergure sans le concours d’un opérateur expérimenté ?

Une bataille qui s’annonce longue

La crise ne fait que commencer. Le dossier est désormais devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), un mécanisme juridique qui pourrait prolonger le contentieux sur plusieurs années. Pendant ce temps, l’avenir de Loulo-Gounkoto reste en suspens, d’autant que l’un des permis miniers de Barrick arrive à expiration en 2026.

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À court terme, le gel de la production pèse sur l’économie locale et prive le pays de recettes fiscales immédiates. Mais à long terme, Bamako semble miser sur une redéfinition des règles du jeu : moins de dépendance aux multinationales et plus de contrôle national sur ses richesses.

L’or, une richesse et un piège

Le cas Loulo-Gounkoto illustre parfaitement le dilemme des pays riches en ressources : comment tirer profit de son sous-sol sans se retrouver prisonnier des géants miniers ? L’or malien, s’il reste un atout, pourrait aussi devenir un champ de tensions juridiques, diplomatiques et économiques.

Barrick, de son côté, devra apprendre à composer avec des États qui ne veulent plus être de simples spectateurs de l’exploitation de leurs richesses. Sa résilience actuelle repose essentiellement sur la flambée des cours mondiaux. Mais que se passera-t-il si le prix de l’or recule brusquement ?

Un tournant historique

Au-delà des chiffres, l’affaire Loulo-Gounkoto marque un tournant. Elle pose une question fondamentale : l’Afrique peut-elle reprendre en main l’exploitation de ses ressources naturelles sans hypothéquer sa croissance ? Le Mali, en reprenant la main sur l’une de ses mines les plus emblématiques, tente de répondre par l’affirmative. Mais la route est longue, semée d’embûches juridiques et économiques.

Pour Barrick, le message est clair : les temps où les multinationales dictaient seules les règles sont révolus. Désormais, l’or du Mali ne sera plus seulement une affaire de profits, mais aussi une question de souveraineté et de dignité nationale.

 

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Fatoumata Bintou Y

 

Source: Bamada.net



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