Dans une conjoncture régionale marquée par des incertitudes économiques et géopolitiques, l’État malien vient de réussir une opération majeure de mobilisation de ressources financières sur les marchés de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le mardi 8 juillet 2025, Bamako a levé avec succès 43,99 milliards de francs CFA à travers une adjudication publique organisée par UMOA-Titres, dépassant ainsi son objectif initial fixé à 40 milliards FCFA. Cette performance témoigne de la résilience de l’économie malienne et de la confiance renouvelée des investisseurs régionaux à l’égard des autorités de la transition.
Une demande largement supérieure à l’offre
Bamada.net-L’opération, conduite via le marché régional des titres publics, a suscité un vif engouement, enregistrant 61,33 milliards FCFA de soumissions, soit un taux de couverture de 153,33 %. Ce chiffre traduit une sursouscription significative, démontrant l’appétit des investisseurs pour les titres émis par le Trésor malien malgré un environnement politique encore marqué par la transition et des défis sécuritaires persistants.
La diversité des instruments émis a également contribué à l’attrait de l’opération. En effet, cinq types de titres ont été proposés, allant des bons du Trésor à un an (364 jours) aux obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans, avec des maturités s’échelonnant jusqu’en février 2035.
Une stratégie sélective mais efficace
Si la demande a été forte, UMOA-Titres, basé à Dakar et chargé de la gestion des émissions de titres pour les États membres de l’Union, a néanmoins fait preuve de rigueur dans le processus d’allocation. Seulement 52 % des offres concernant les bons du Trésor ont été retenues, avec un taux marginal de 8,30 %, traduisant une volonté de ne pas surpayer les ressources à court terme.
En revanche, les titres à moyen et long terme ont bénéficié d’une bien meilleure absorption :
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100 % des offres ont été servies pour les OAT à 5 et 7 ans,
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91,64 % pour celles à 10 ans,
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et 87,89 % pour les obligations à 3 ans.
Les rendements moyens pondérés proposés par l’État malien varient selon la maturité, oscillant entre 7,59 % (10 ans) et 9,33 % (3 ans). Ce dernier chiffre illustre la prime de risque associée aux échéances intermédiaires, souvent perçues comme plus incertaines par les investisseurs.
Une confiance qui transcende les frontières
Cette adjudication a mobilisé vingt participants issus de huit pays de l’espace UEMOA, parmi lesquels la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin, le Togo, mais aussi potentiellement des investisseurs institutionnels du Niger, du Burkina Faso ou encore de la Guinée-Bissau. Leur participation témoigne non seulement d’une dynamique d’intégration financière dans l’espace communautaire, mais aussi d’un vote de confiance envers la trajectoire économique malienne.
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Cette confiance, il faut le souligner, ne tombe pas du ciel. Depuis plusieurs mois, le Mali a adopté une politique de financement rigoureuse et transparente, marquée par une régularité dans ses émissions, une communication financière améliorée et une volonté affirmée de respecter ses engagements vis-à-vis des investisseurs.
Une stratégie de financement soutenue et proactive
Cette émission s’inscrit dans le cadre du programme annuel d’émissions du Trésor public malien, qui mise sur une diversification des maturités et un étalement dans le temps afin de mieux lisser la dette publique. Contrairement à d’autres pays de la sous-région, le Mali a fait le choix stratégique de privilégier les marchés régionaux plutôt que l’endettement extérieur, jugé plus risqué dans le contexte actuel de resserrement monétaire mondial.
Les titres émis viendront financer des projets structurants dans les domaines des infrastructures, de l’énergie, de la santé ou encore de l’éducation, autant de secteurs prioritaires pour le développement durable du pays.
Une gestion responsable de la dette
Dans un contexte où la question de la soutenabilité de la dette souveraine est au cœur des préoccupations des États africains, cette opération réussie ne doit pas être interprétée comme une fuite en avant. Bien au contraire, elle illustre une gestion responsable de l’endettement, axée sur la mobilisation de ressources à des conditions relativement avantageuses, tout en préservant les équilibres macroéconomiques du pays.
D’ailleurs, selon des sources proches du ministère de l’Économie et des Finances, la stratégie d’endettement à moyen terme (SDMT) du Mali est en cours de révision afin d’intégrer les nouvelles priorités de souveraineté et de résilience économique, notamment dans un contexte de retrait progressif de certaines coopérations bilatérales et multilatérales.
L’État malien vient de réussir un coup de maître sur les marchés financiers régionaux en dépassant ses objectifs de mobilisation, et en le faisant avec prudence et transparence. Cette performance est d’autant plus remarquable qu’elle intervient dans un climat de transition politique et de fortes tensions régionales. Elle confirme que la confiance ne se décrète pas, elle se construit. Et Bamako semble bien décidé à poursuivre sur cette voie de souveraineté budgétaire et de responsabilité économique.
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BEH COULIBALY
Source: Bamada.net
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