Le jeudi 31 juillet 2025 marquera, sans doute, une date symbolique dans l’histoire de l’industrialisation du Mali. Ce jour-là, le ministre des Mines, le Pr Amadou Keïta, s’est rendu dans les Mines de Lithium de Bougouni. Une visite technique, stratégique et éminemment politique, tant elle s’inscrit dans une dynamique de concrétisation de la vision des autorités de la Transition : valoriser les ressources du pays au profit des Maliens, dans le strict respect des lois minières en vigueur.

Bamada.net-Ce déplacement ministériel, qui fait suite à trois missions précédentes menées par les services techniques de son département – notamment la Direction nationale de la géologie et des mines –, a permis d’apprécier les progrès notables réalisés par la société minière en charge du site, désormais connue sous le nom de Les Mines de Lithium de Bougouni SA (LMLB SA).

De la mise en conformité à la montée en puissance

Anciennement dénommée Bougouni Mining, la société minière a intégré les remarques et exigences formulées lors des précédentes inspections. Il s’agissait, entre autres, de garantir la conformité de l’exploitation avec les standards environnementaux, sociaux et techniques exigés par la réglementation minière malienne, notamment depuis l’adoption du nouveau Code minier.

Accompagné du Gouverneur de la région, le Général de brigade Ousmane Wélé, le Pr Amadou Keïta a visité plusieurs points névralgiques de l’infrastructure minière : la carrière d’extraction, le dépôt de minerai, l’usine de traitement, la centrale électrique ainsi que le dépôt de résidus. À chaque étape, les équipes techniques de la société ont apporté des explications détaillées sur le processus de production du spodumène, principal minerai contenant du lithium, métal précieux pour les batteries électriques.

Investissements et perspectives industrielles

Lors d’une rencontre technique tenue après la visite, le directeur pays des Mines de Lithium, Mohamed Niaré, a annoncé des chiffres impressionnants : 65 millions de dollars investis pour la première phase, soit environ 30 milliards de francs CFA. Cette première étape permettra de produire 80 000 tonnes de spodumène par an. La deuxième phase, prévue pour 2028, verra l’installation d’une usine de flottation, avec une capacité de production portée à 120 000 tonnes supplémentaires par an. À terme, la mine devrait produire 200 000 tonnes par an, un bond considérable pour le secteur extractif national.

À Lire Aussi : Bougouni : Le Mali entre dans l’ère du lithium avec la première production de spodumène

À Lire Aussi : Mali : l’État s’impose comme acteur clé dans l’exploitation du lithium à Goulamina

Mais au-delà des chiffres, c’est le signal politique qui retient l’attention : cette mission s’inscrit dans une instruction directe du Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta. Ce dernier entend faire des ressources naturelles du pays un levier de souveraineté économique, de création d’emplois et de valorisation locale.

Un modèle économique réformé

Le ministre des Mines l’a clairement exprimé : « La mine de Bougouni s’inscrit dans le cadre du nouveau modèle de partenariat voulu par l’État ». En clair, fini les contrats léonins où l’État malien jouait le rôle de simple spectateur. Désormais, avec les 35 % d’actions réservées à l’État (30 % pour le gouvernement, 5 % pour les nationaux), le pays entend peser dans la gouvernance des projets miniers. Cette approche traduit une volonté de rupture avec l’ancienne doctrine, où les intérêts nationaux étaient souvent sacrifiés sur l’autel de la « rente minière » étrangère.

Une mine prête à démarrer

Avec 42 000 tonnes déjà extraites et stockées, et les conditions fiscales, sociales et techniques respectées, plus rien ne semble faire obstacle à l’inauguration officielle de la mine, selon les autorités. L’impact de ce projet est d’ores et déjà palpable : paiement de taxes et impôts, emploi local, accompagnement des communautés riveraines… Un véritable changement de paradigme est en marche.

Le lithium, levier de développement ou piège stratégique ?

Cependant, derrière cet enthousiasme légitime, se pose une question essentielle : le Mali saura-t-il transformer cette manne en richesse durable pour les générations futures ?

Le lithium est aujourd’hui surnommé « l’or blanc » du XXIe siècle, en raison de sa centralité dans la transition énergétique mondiale. Dans un contexte de guerre économique autour des ressources stratégiques, le Mali doit faire preuve d’une extrême vigilance. Les enjeux vont bien au-delà du simple rendement : il s’agit de défendre la souveraineté nationale sur une ressource clé, d’éviter la dépendance à un seul acteur étranger, de maîtriser les chaînes de valeur, et surtout, de mettre en place des politiques industrielles ambitieuses pour transformer localement les ressources extraites.

Une étape clé, mais pas la ligne d’arrivée

La visite du ministre Pr Amadou Keïta dans les Mines de Lithium de Bougouni est plus qu’un simple déplacement ministériel. Elle symbolise la volonté politique d’une Transition tournée vers une exploitation responsable, souveraine et inclusive des ressources minières.

Mais cette volonté devra s’accompagner d’une vigilance constante, d’une transparence dans la gestion des revenus, d’une implication des communautés locales, et surtout d’une vision à long terme pour éviter le piège de la « malédiction des ressources » qui a trop souvent miné les ambitions africaines.

Le lithium de Bougouni n’est pas un eldorado. C’est un tournant. Et comme tout tournant, il exige discernement, courage et stratégie.

 

NB : Toute reproduction, intégrale ou partielle, sans une autorisation explicite de notre part est strictement interdite. Cette action constitue une violation de nos droits d’auteur, et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour faire respecter ces droits.

 

Moise Touré

 

Source: Bamada.net



Lire l’article original ici.

Partager.

bamada.net : Site d'actualités maliennes.

© 2025 Le Republique. Tous droits réservés. Réalisé par NewsBlock.
Exit mobile version